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N'est pas Indiana Jones qui veut

Regardez l'image à gauche. Selon vous, il s'agit : d'un masque d'Halloween, d'un crâne d'extra-terrestre fossilisé, d'une boule de cristal un peu particulière ou d'une fameuse relique qui a échappé à la convoitise d'archéologues sans scrupule grâce à l'intervention d'Indiana Jones ? Douze spécimens similaires ont été répertoriés depuis le 19ème siècles, dont un est exposé au Musée du Quai Branly à Paris, un au British Museum à Londres et un au Smithsonian Institut à Washington. Les neufs autres appartiennent à des collectionneurs privés.

Réponse:
Le crâne en quartz présenté en photo, dit de Paris, est une pièce de collection du musée des arts et civilisations d'Afrique, d'Asie, d'Océanie et des Amériques. Il pèse 2,5 kg et mesure 11 cm. L'explorateur Alphonse Pinart l'a offert au musée d'ethnologie du Trocadéro en 1878. Longtemps considéré comme un chef d'œuvre de l'art précolombien représentant Mictecacihuatl, divinité aztèque de la mort, il a ensuite fait l'objet de nombreuses controverses.
Selon la légende, les habitants de l'Atlantide seraient venus sur la Terre pour nous faire dont de 12 crânes de cristal correspondant aux 12 autres mondes habités. Le treizième, celui des Terriens, aurait été conservé dans une pyramide gardée successivement par les Olmèques, les Mayas et les Aztèques. Ces derniers les auraient ensuite dispersés. Or, une ancienne prophétie Maya indiquerait qu'il faudrait aligner les 13 crânes le 21 décembre 2012, dernier jour du calendrier, afin d'éviter la fin du monde. D'aucuns attribuent des pouvoirs surnaturels à ces crânes de cristal.

Dans les années 90, des études minutieuses ont été réalisées sur les crânes de cristal de Londres et de Washington. Des observations au microscope électronique ont mis en évidence des marques de polissage régulier prouvant que ces artefacts sont en réalité de fabrication récente. Les experts ont établis avec certitude que les reliques étaient des faux, confectionnés entre 1867 et 1886 par des artisans Allemands. En 2007, les laboratoires des musées de France ont conduit leur propre expertise. Là encore, les analyses ont montré que les rainures et perforations trahissaient l'emploi d'outils modernes de joaillerie.
Les archives du British Museum indiquent que le crâne de Londres à été acquis par Tiffany and Co avant d'être revendu au Musée, par l'intermédiaire de George Frederick Kunz, en 1897.
On sait, par ailleurs, que les crânes de Londres et de Paris sont passés par les mains d'Eugène Boban (1834 - 1908), un antiquaire français spécialisé dans les antiquités précolombiennes mésoaméricaines. Monsieur Boban, qui n’était ni archéologue ni explorateur, achetait ses pièces par l’intermédiaire de particuliers et spécialistes comme l’archéologue Leopoldo Batres, le Dr Fuzier en poste à Veracruz dont il rachète la collection vers 1880-1881, ou encore le mexicaniste Auguste Génin. L'antiquaire lui-même a signalé aux collectionneurs que des contrefaçons étaient fabriquées au Mexique mais on ne sait pas s'il a été abusé ou s'il s'est volontairement livré à des fraudes.

Le crâne de Washington se distingue de ceux de Paris et de Londres. De par sa taille et son aspect, d'abord. Il est plus grand (25,5 cm sur 22,5 cm) et le plus lourd (14 kg). De plus, il n'est pas transparent, mais translucide. L'artefact a été transmis anonymement à la Smithsonian Institution en 1992. Une simple note stipulait qu'il avait été acheté au Mexique dans les années 60. Le NMNH (Smithsonian National Museum of Natural History) fit alors appel à l'une de ses spécialistes, Jane McLaren Walsh du département d'archéologie mexicaine. Son enquête la mena sur la piste du crâne de Frederick Albert Mitchell-Hedges (1882-1959). Cet explorateur britannique prétendait, dans son autobiographie parue en 1954, avoir découvert l'objet dans les années 20 dans les ruines d'un temple maya au Belize. Or, le détective américain Joe Nickell a découvert que le crâne de cristal appartenait en 1936 à Sidney Burney, un marchand d’art londonien qui l’avait mis aux enchères de Sotheby's à Londres en 1943. Mitchell-Hedges l'aurait acquis pour 400 livres. L'objet a été soumis à l'étude d'un conservateur et restaurateur d'art, Frank Dorland, dans les laboratoires de la société Hewlett-Packard. Il conclut qu'il aurait fallu plusieurs centaines d'années de travail continu pour obtenir ce résultat avec les outils dont disposaient les Mayas.
A l'instigation du docteur Walsh, de nouvelles expertises ont été réalisées à partir de 2004. Elles ont confirmé que les crânes de cristal du British Museum à Londres et de la Smithsonian Institution à Washington sont les œuvres de faussaires, comme celui du Quai Branly à Paris.


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