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Jeudi piraterie: Klaus Störtebeker

Cette semaine, laissons de côté les eaux chaudes de la Caraïbe et le soleil de l'océan indien, pour rencontrer une pirate d'eau froide: Klaus Störtebeker ou Klaus « le videur de chope d'un trait » si on traduit son surnom.

On ne connaît rien de la jeunesse et des origines de Klaus. Un document de la ville de Wismar (le liber proscriptorum ou livre des proscrits) daté de 1380 parle, peut-être de notre homme. Trois hommes, Balhorst, Boldelaghe et Craan se retrouvent bannis de la ville pour avoir rosser un certain Poppen et Klaus Störtebeker.
Puis arrive les années 90, celle du 15ème siècle, Margareth du Danemark étend son empire sur l'Europe du Nord. La Norvège tombe par alliance, la Suède est soumise par la force. Seul un village d'irréductible suédois résiste: Stockholm. Alertés par la montée en puissance du Danemark, les états allemands (notamment ceux du Nord) proposent leur aide à Stockholm: les ports du Mecklemboug, (le duc de Mecklemboug n'est autre qu'Albert de Suéde, roi de Suéde), Wismar et Rostock sont ouverts à tous les aventuriers soucieux de porter secours à Stockholm ou au moins porter atteinte aux possessions danoises. Un appel à la piraterie est lancé.
L'ère de la piraterie en mer baltique commence. Très vite une association se monte: les Vitalienbrodere ou les frères de victuaille. Les victualiens sont des sortes de marchands guerriers, forçant le blocus danois pour ravitailler Stockholm (pour certain) d'autres se contentant de piller les navires qu'ils rencontrent avant de revendre les marchandises volées dans les ports mecklembourgeois. Ravitaillement lucratif, puisqu'ils font payer les marchandises livrées un prix d'or! C'est dans les Vitalienbrodere que l'on retrouve Klaus Störtebeker. Leur devise: « Amis de Dieu et ennemis du monde entier ! »


Une reconstitution de la tête de Störtebeker (musée de Hambourg).

Très vite les débordements arrivent, les navires mecklembourgeois sont confondus avec les navires danois et puis on gagne du temps à piller tout ce qui passe à portée de sabord. Ce n'est pas encore de la piraterie mais on s'en rapproche: les Vitalienbrodere sont officiellement habilité à aborder les navires en mer. 1392, les Vitalienbrodere sont devenus incontrôlables. La mise ne place des « Vredeschepen », une police maritime armée par Lübeck et Hambourg, l'interdiction d'acheter des marchandises volées ou flottantes, ne résolvent en rien le problème. Les Vitalienbrodere sont efficacement organisés en bande. On oscille entre mafia et piraterie. Les commerçants de la Hanse doivent même arrêter leur commerce. La situation économique de la région se dégrade, les prix flambent: le prix du hareng est multiplié par trois et même par dix dans certaine ville.

1394, les Vitalienbrodere occupent l'île de Gotland anciennement terre danoise. Ils installent leur quartier général dans la ville de Visby. Ils seront chassés de l'île par une armée teutonique (4000 hommes, 400 chevaux et 84 navires ) en 1398. Gotland restera posséssion de l'ordre jusqu'en 1409, où elle sera revendue à Margareth reine du Danemark, de Norvège et de Suéde.

1395, c'est un traité de paix qui est signé entre la Suéde et le Danemark. Le roi Albert est libéré (après 6 années d'emprisonnement suite à sa défaite de Asle). Traité étrange, puiqu'Albert doit payer une importante somme d'argent à Margareth pour pouvoir récupérer la ville de Stockholm. Il a trois ans pour payer cette somme. En attendant, la ville est confiée à la ligue de la Hanse (pour la petite histoire, Albert ne paiera pas la rançon et ainsi Stockholm deviendra danoise en 1398. Tout ça pour ça!). Mais l'information capitale est: c'est la paix. Les Vitalienbrodere n'ont plus de raison d'être mais ils décident tout de même de continuer leurs activités. Ils deviennent officiellement des pirates!

1396, Klaus Störtebeker établit son camp de base à Mariehafe (Frise orientale). Il se marie avec la fille d'un chef local: Keno ten Broke. Au passage, il aide son beau-père dans les guerres Frise contre la Hollande et frisons contre frisons (car le frison est batailleur). Klaus Störtebeker ne s'assagit cependant pas, ils continuent ses activités de pilleur des mers avec les frères de la victuaille. Il participe ainsi au moins à un sac de la ville de Bergen en Norvège (elle sera pillée deux fois par les pirates). Durant ce raid, tous les commercants anglais sont enlevés puis libérés contre rançon. Un acte d'accusation anglais nomme directement Klaus Störtebeker comme un des auteurs du raid.



L'arrestation de Störtebeker à Hambourg.

En 1401, une flotte de Hambourg dirigée par Simon d'Ultrech attaque la flotte de Störtebeker près de Helgoland. Suite à la trahison d'un des membres d'équipage qui aurait saboté le gouvernail de son navire, Störtebeker est fait prisonnier, puis emmené à Hambourg où il est jugé coupable de piraterie. Ensuite la légende de Störtebeker apparaît. Il commence par proposer un marché: il offre à la ville une chaîne d'or capable d'entourer Hambourg contre sa liberté. La proposition est refusée. Finalement, Störtebeker et 73 de ses compagnons sont condamnées à être décapités. Le jour de l'éxécution, Störtebeker fait un pari avec le magistrat de la ville. Il parie qu'il arrivera à marcher la tête tranchée devant ses compagnons et chaque frère dépassé devra être libéré. Le maire teint le pari. Störtebeker dépasse onze de ses camarades avant de tomber suite à un mauvais croche pied du bourreau. Mauvais joueur jusqu'au bout, les onzes seront exécutés comme les autres. La légende poursuit l'histoire, par la question d'un sénateur de Hambourg au bourreau: « N'êtes pas fatigués par ce travail? ». La réponse du bourreau: « Non, pas du tout, je pourrai poursuivre avec le sénat tout entier», lui valu de perdre lui-même sa tête.

Deux représentations de l'exécution de Störtebeker.

Pour l'histoire plus sérieuse, il semble que Störtebeker fut exécuté en 1400. Une note de la municipalité de Hambourg déclare que 12 livres ont été versées à un agent municipal pour avoir décapité trente vitaliens à l’épée, une livre est payée à l’équarrisseur Knoker qui a transporté les corps des pirates au cimetière. Au port de Hambourg, Grasbrook, les têtes des vitaliens sont empalées sur des piques. En 1400, Simon d'Ultrech n'était pas à la tête d'une flotte hambourgeoise et son navire le Brindled Cow, n'était pas encore sortie des chantiers navals. On pense que la flotte qui a attaqué Störtebeker était dirigé par Hermann Langhe and Nikolaus Schoke bien qu'aucun compte rendu de la bataille ne fut jamais retrouvé.

Le crâne de Störtebeker volé au musée de Hambourg.


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