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Neft Daşlari: une ville au milieu de la mer

Après la seconde guerre mondiale et l'invasion de l'URSS par les Nazis, le pouvoir central se lance dans un plan de reconstruction basé sur le développement des ressources énergétiques et notamment pétrolières.

Dans les années 40-50, les puits sont situés essentiellement dans la partie méridionale de l'Union Soviétique et non au nord de la Sibérie comme c'est le cas aujourd'hui. L'or noir est alors importé d'une région située sur la mer Caspienne qui, depuis le 30 août 1991, constitue des territoires indépendants de l'actuelle République d'Azerbaïdjan. A partir de 1947, cette zone proche de Bakou, la capitale, devient la vitrine de l'ambition soviétique. Une ville offshore (avec ses routes, ses bâtiments d'habitation, ses écoles et ses stades) émerge à 42 km des côtes. Neft Daşlari ou Oil Rock (Le Rocher du Pétrole) qui s'étend sur plus de 350 km, compte aujourd'hui 2000 habitants. Évidemment, l'idée de construire une cité en plein milieu de la mer Caspienne, ne surgit pas d'un cerveau enfiévré du jour au lendemain.

Les soviétiques s'installent à Bakou juste après la révolution russe de 1917. Le 1er juin 1918, les 400 compagnies pétrolières privées sont nationalisées. En l'espace de 4 mois, les Bolcheviks exportent 1,3 millions de tonnes de pétrole vers la Russie sans aucune compensation en retour. Après la déclaration d'indépendance de l'Azerbaïdjan et l'arrivée au pouvoir du Müsavat, en 1918, le processus de nationalisation est stoppé (décret du 6 octobre 1918) et les sociétés rendues à leurs anciens propriétaires. Toutefois, les évènements politiques ont porté un dur coup à l'industrie pétrolière et, en 1919, l'extraction de pétrole est tombée à 3,7 millions de tonnes, soit la moitié de la production de 1916. Le territoire continue néanmoins d'attiser la convoitise de ses voisins russes et, en avril 1920, l'armée rouge s'empare à nouveau de la capitale. La jeune république démocratique d'Azerbaïdjan est déjà condamnée. Entre le 30 avril et le 2 mai 1920, les soviétiques envoient 12 pétroliers chargés d'or noir vers la Russie. Ce n'est qu'un début.
En 1921, l'extraction de pétrole à Bakou atteint son plus bas niveau avec 2,4 millions de tonnes. Le gouvernement soviétique, conscient de l'importance stratégique de l'industrie pétrolière, lance un plan de rénovation et de développement régional. En 1940, l'extraction pétrolière de l'Azerbaïdjan représente pas moins de 22 millions de tonnes, soit plus de 70% de la production soviétique. Au cours de cette période, de nouveaux champs de forage sont ouverts, le drainage de la baie de Bibi Heibat est achevé (1927), ainsi que la construction d'un pipeline entre Bakou et Batumi en Géorgie (1925).
Durant la Grande Guerre Patriotique (22 juin 1941- 9 mai 1945), l'or noir Azerbaïdjanais joue un rôle essentiel dans la bataille contre les Allemands. Hitler, persuadé de sa victoire, prévoit de s'emparer de Bakou le 25 septembre 1942. La ville est évacuée et, à l'automne 1942, plus de 700 puits sont arrêtés en prévision de leur destruction. Le matériel de forage et les ouvriers sont déplacés au Turkménistan. Dans le même temps, Bakou continue de fournir le front en ressources pétrolières grâce à la remise en service et l'exploitation des vieux puits. Les Allemands ayant bloqué le réseau routier traditionnel, les voies d'approvisionnement sont détournées par l'Asie centrale. Le pétrole est alors transporté dans des citernes à flot, depuis la côte de Bakou jusqu'au port de Krasnovodsk, l'actuelle ville de Türkmenbaşy. En octobre 1942, le pouvoir central décide le déplacement de 11 000 spécialistes et d'une grande partie de l'équipement pétrolier, vers le Tatarstan, le Bachkortostan et d'autres régions de l'Union Soviétique. L'année suivante, considérant le danger écarté, le gouvernement entreprend de restaurer l'industrie pétrolière à Bakou. La production de l'or noir, tombée à 11,5 millions de tonnes en 1945, entame une période de croissance moins de 2 ans plus tard.

Le projet de construction d'Oil Rock (Neft Dashlari) naît en 1947, sous l'impulsion des politiciens Nikolay Baybakov et Sabit Orujov, ainsi que du géologue Agagurban Aliyev. Les équipes d'ouvriers débarquent sur le rocher de Gara Dashlar (littéralement Le Rocher Noir), à 42 km au sud est de la péninsule d'Abşeron, dès le 14 novembre 1948. Les premières brigades de forage, dirigées par le commissaire soviétique Mikhail Kaverochkin, commencent leur travail le 24 juin 1949. En novembre de la même année, le puits descends à 1 km de profondeur et produit 100 tonnes de pétrole. Gara Dashlar est rebaptisé Neft Dashlari, c'est-à-dire Le Rocher du Pétrole. Le 18 février 1951, enfin, les autorités organisent une grande cérémonie pour célébrer le départ des premiers convois de pétroliers et le nouveau projet urbain de Neft Dashlari : la création d'une île artificielle de 7000 hectares de surface avec son port, ses ponts et ses zones de mouillage. Des blocs de rochers (représentant au total un demi-millions de m2) sont importés des îles voisines de l'Archipel de Bakou. Toutefois, l'essentiel du grand plan architectural débute réellement en 1958. C'est ainsi que dans une zone située en pleine mer, à 110 km environ des centrales électriques de Bakou, les soviétiques construisent des immeubles de 5 à 9 étages. Hôtels, hôpitaux, maisons de la culture, boulangeries, espaces verts... à priori, rien ne différencie la cité offshore d'une ville terrestre. Plus de 2000 personnes travaillent et vivent sur cette gigantesque plateforme. Ils exploitent près de 2000 puits de forage et produisent 160 millions de tonnes de pétrole, ainsi que des milliards de m3 d'essence.
Entre 1969 et 1985, les quantités de pétroles ont commencé à diminuer. Les raisons de cette chute sont multiples. Premièrement les gisements offshore s'épuisent et leur exploitation devient de plus en plus couteuse; deuxièmement, les soviétiques ont déplacé la production après la découverte des ressources pétrolières de la Sibérie occidentale et du Kazakhstan. En dépit de ces évènements, les champs de pétrole et les raffineries de la région de Bakou continuent d'être exploités, tandis que la construction d'usines se poursuit. C'est finalement la chute du régime soviétique, l'effondrement de l'économie de l'ex-bloc de l'est et la rupture des relations commerciales entre les anciens territoires de l'URSS qui précipitent la chute de Neft Dashlari. Les installations sont mal entretenues, plusieurs kilomètres de réseau routier sont sous la mer et environ 600 puits sont aujourd'hui hors d'usage.

Sources : English Russia et Window to Baku


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