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Gloires et déboires

Dans cette revue de presse dominicale, nous verrons que les historiens ne passent pas tout leur temps à éplucher de vieux papiers et les archéologues à épousseter du sable. Certes, il n'y a pas besoin d'avoir les compétences d'un Indiana Jones ou d'une Sydney Fox pour creuser des trous à l'autre bout du monde et faire parler des antiquités, mais il faut quand même se préparer à un certain nombre d'imprévus. Du 23 au 27 mars 2010, le Festival du Film d’Archéologie d'Amiens, sera l'occasion de rencontrer de vrais chercheurs tels le préhistorien Jean Clottes, le paléoanthropologue Pascal Picq ou l'architecte Jean-Pierre Houdin, auteur d'une théorie sur la construction de la pyramide de Khéops.

Ces dernières semaines ont été fort mouvementées autour des chantiers de fouilles. Le site de Noyon dans l'oise, a été littéralement pillé, dans la nuit du 8 au 9 février, par des chasseurs de trésors équipés de détecteurs de métaux. Selon l'Inrap, les voleurs auraient emporté des monnaies et des fibules antiques, des cerclages de cuivre et des têtes d’obus de la guerre 1914-1918.
Il est vrai que certaines pièces de collection peuvent se vendre des fortunes aux enchères. Ainsi la Bibliothèque Nationale de France a racheté plus de 7 millions d'euros millions les manuscrits de Giacomo Casanova (1725-1798), Histoire de ma vie, aux descendants de l'éditeur Brockhaus.
Ces acquisitions sont souvent profitables aux musées qui les acquièrent... s'ils ne sont pas abusés par quelques aventuriers indélicats. Les faux ne sont pas toujours si facile à identifier. Ainsi Émile Fradin, au cœur d'une des plus grandes énigmes archéologiques est décédé récemment en emportant son secret dans la tombe. Après la découverte du Champ des Morts de Glozel, dans l'Allier, il fut en effet soupçonné d'avoir fabriqué de faux objets préhistoriques. La revue britannique Archeology en a présenté une liste des plus fameuses supercheries de l'histoire, en décembre dernier, et le Musée Royal de l'Ontario au Canada leur dédie une exposition intitulée Faux et contrefaçons: hier et aujourd’hui jusqu'en 4 avril prochain.

Si les gardiens du patrimoine pâtissent de ses arnaques, il faut reconnaître qu'ils ne respectent eu-même pas toujours les règles de bienséances. Ils s'exposent ainsi aux désagréments d'une demande de restitution. Une bataille juridique oppose actuellement le musée américain Getty à la cour de Pesaro (centre-est de l'Italie) qui exige la restitution d'une statue en bronze attribuée au sculpteur grec Lysippe, la Statue de la Jeunesse victorieuse, découverte en 1964 par un pêcheur à Fano et vendue immédiatement sans que l'Etat puisse exercer son droit de préemption.
Le Kunsthistorisches Museum de Vienne (KHM), propriétaire d'une œuvre de Johannes Vermeer (1632-1675), L'Art de la peinture, fait également l'objet d'une procédure en justice. Les héritiers du comte Jaromir Czernin (1908-1966), qui avait vendu le tableau à Hitler en 1940, réclament sa restitution. Selon les spécialistes, cette œuvre pourrait se vendre entre 150 et 200 millions d'euros aux enchères.
L'Égypte est sans doute le pays le plus déterminé à protéger son patrimoine. Il y a quelques semaines, le Parlement a amendé une loi sur les antiquités qui doit entrer en vigueur le 1er mars 2010. Elle s’insère dans le vaste effort du Conseil suprême des antiquités (CSA) pour rapatrier en Égypte des trésors disséminés dans le monde entier. Dans un communiqué du 22 février dernier, le ministre égyptien de la Culture Farouk Hosni a fait savoir que les américains allaient restituer à l'Égypte un sarcophage pharaonique, datant de la 21e dynastie (1081-931 avant JC) et sorti illégalement du pays en 1884. Pour l'heure, le directeur du Conseil suprême des antiquités égyptiennes, Zahi Hawass, est davantage préoccupé par les résultats des tests ADN de Toutankhamon.

Pendant que les uns profitent pleinement des jouissances de la médiatisation ; les autres savourent modestement les avantages quotidiens de leur vocation. Telle la journaliste canadienne, Heather Pringle, qui a collaboré à de nombreuses revues spécialisées (Geo, New Scientist, National Geographic... ) et partage sur son blog quelques réflexions et informations sur l'archéologie.
Dans un ouvrage intitulé Bornéo, la mémoire des grottes, l’explorateur Luc-Henri Fage et l’archéologue Jean-Michel Chazine nous conduisent eux dans la jungle indonésienne où ils ont menés plusieurs expéditions entre 1992 à 2007 et découvert une demi-douzaine de sites archéologiques.
La recherche historique, on le voit, est une activité à multiples facettes. Dans l'Allier, par exemple, les archéologues pratiquent la plongée en rivière. Ils ont ainsi découvert une ancienne voie romaine dans le lit du Cher, les vestiges de plusieurs ponts datés de l'antiquité au Moyen-age, ainsi que les restes d'un moulin. Sur le site de construction de l'autoroute de Gascogne, l'Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap) a réalisé plus de 6000 sondages sur 100 km de tracé.
Si le métier exige une grande ténacité, il réserve aussi de belles surprises. Ainsi, dans les carrières Audoin à Angeac-Charente, un fabuleux gisement de dinosaures a été exhumé fortuitement. Selon le paléontologue, Didier Néraudeau, il s'agit d'une découverte majeure au niveau français voire européen. On ne connaissait à ce jour qu'un seul site comparable à Esperaza, dans l'Aude.

Comme vous le constatez, la vie des chercheurs n'est pas un long fleuve tranquille. Entre les désagréments quotidiens et les périodes de grâce, il faut savoir relativiser. C'est en tout cas la conclusion d'Ellie Hunt, une jeune archéologue de l'Université de Bristol, dans un article publié sur Heritage key et intitulé 10 Reasons Not to Become an Archaeologist... and Why to Ignore Them (Dix raisons de ne pas devenir archéologues... et pourquoi les ignorer). Pour résumer, les archéologues sont mal payés (quand ils trouvent un boulot), n'ont jamais entendu parler des 35heures, n'ont pas de vie sociale (ou réduite à des individus peu fréquentables), souffrent d'arthrite (quand ils ne deviennent pas alcooliques), subissent de rares promotions de carrière qui sont vécues comme des punitions, ignorent les costumes trois pièces, le vernis à ongles, et même la montre Rolex du quinquagénaire triomphant... mais quel beau métier!


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