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Des archéologues suisses prennent la porte.

La scéne se déroule à Zurich, dans la site de contruction du parking souterrain de la maison de l'opéra. Comme dans beaucoup de grande ville européenne, la moindre coup de pioche dévoile un site archéologique. Banal me direz-vous, pas sur ce coup-ci, pas tant que ça. Les archéologues ont découvert une porte vieille de 6000 ans.

Le vestige est dans un état de conservation remarquable, les planches sont encore soudées entre elles. C'est un fait rare pour un objet de bois qui normalement se dégrade très rapidement. Cette porte appartenait probablement à un ensemble de constructions sur pilotis que l'on retrouvait fréquemment en bord de lac. Ces constructions sur pilotis sont apparues environ 1000 ans après la domestications des animaux et la maîtrise de l'agriculture. Elles représentaient alors, un bon moyen de protection contre l'extérieur. La conservation de cette porte durant 6000 ans est une conséquence de son environnement. Elle a sans doute été rapidement immergée et enfouie dans la vase. Cet environnement sans oxygène a ainsi pu limiter les attaques du bois par les bactéries et les champignons.


Photo: AP Photo/Hochbaudepartment Zurich, Handout


Cette porte a été précisément datée grâce à la méthode de dendrochronologie: elle a été construite en -3063 av JC (le même age que le site de Stonehenge à titre de comparaison). Cette technique est basée sur l'étude des cernes qui apparaissent dans les troncs d'arbres. Une cerne correspond généralement à une année de croissance. Il est ainsi possible de connaître, à l'année prêt, l'age d'un tronc d'arbre. Cette information en soit ne donne qu'une chronologie relative de la vie de l'arbre. Savoir qu'un arbre a vécu 70 ans avant de terminer en porte de buffet, ne nous apprend pas quand il a poussé. Pour fixer, une date dans un calendrier, il convient de relier cette chronologie relative à une datation absolue: l'année 0 du calendrier grégorien, par exemple. Pour cela, il faut relier une strie à une année.


Arbre abattu en -1111 av JC. Photo Wikicommon.


La méthode pour relier une strie à une année est empirique. On sait que l'épaisseur des stries des arbres varie en fonction des conditions climatiques. Une année trop froide ou trop sèche va freiner la vitesse de croissance d'un arbre et engendrer une cerne fine. Ainsi, tous les arbres qui auront vécu cette année auront une cerne fine. Chaque tronc dessine donc un calendrier climatique des années. Les arbres d'une même région vont donc donner la même carte. Par comparaison de bois anciens, on va ainsi pouvoir remonter dans le temps en associant (par recoupage) les troncs les plus anciens aux troncs les jeunes. Cette technique nécessite d'avoir des souches anciennes à étudier et être certain que ces souches se recoupent dans le temps. Mais, l'homme a souvent vénéré et conservé de vieux arbres (des relents animistes?), et les sources ne sont pas si rares que cela. De plus, on peut parfois faire des sauts dans le temps: si on sait d'une construction a été construite en 1252, il y a de fortes chances que ses bois de construction datent de la même année (ou période). On repère les stries et la dernière correspond à l'année 1252. Généralement, on recoupe des informations avec des données moins arboricoles. Les années de grand froid ou de sécheresse ont généralement laissé des traces dans les écrits de leurs époques. On peut alors recouper ces informations climatiques avec la largeur des stries.

Cette porte est une des plus anciennes trouvées en Europe. Une prote trouvée dans la commune suisse de Pfäffikon pourrait dater de -3700 av JC, mais sa datation est plus délicate. Il reste que cette découverte est très rare: sur les 200 habitations découvertes à Zurich, seule cette porte a été retrouvée. Elle permet de mieux imaginer comment les gens de cette époque construisaient leurs habitations et les contraintes qu'ils devaient surmonter.


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