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Enquête chez les réducteurs de têtes

Souvent cantonnés au rôle d'accessoire de films d'horreurs, les têtes réduites ou tsantzas avaient avant tout un rôle spirituel chez les Shuars (péjorativement rebaptisés Jivaros (les sauvages) par les conquistadors), un peuple des forêts de la Haute Amazonie: posséder la tête réduite d'un adversaire abattu, empêche son esprit vengeur ou mulsak de venir vous hanter.

La tête étudiée fait partie de la collection du Eretz Israel Museum de Tel Aviv. Elle est en parfait état de conservation: cheveux, peau... L'étude a été menée par Kahila Bar-Gal, lecteur (lectrice ?) à l'école Koret de médecine vétérinaire de la Faculté Agriculture, d'Alimentation et d’Environnement Robert H. Smith de l’Université Hébraique de Jérusalem. Les têtes réduites ont été découvertes aux dépends des conquistadors espagnols lors de la sanglante conquête du continent Sud Américain. La sauvagerie et les pratiques religieuses ou spirituelles des Jivaros auraient, cependant, réussies à décourager les espagnols d'envahir et de piller/rançoner leur territoire. D'abord objet de craintes et de légendes les têtes réduites sont devenues des objets à la mode dès 17ème et jusqu'au début du 20ème siècle, où il était de bon ton d'en exposer dans son cabinet de curiosités. Cette mode a engendré un trafique tel qu'on estime que 80% des têtes réduites sont fausses. Ces copies seraient en majorité des têtes d'animaux maquillées en tête humaine alors que d'autres seraient de véritables têtes humaines mais plus issus d'un larron que d'un chasseur d'homme Shuars.



L'étude menée par Kahila Bar-Gal se base sur les analyses ADN d'une tête réduite. Aussi curieux que cela puisse être, c'est la première étude du genre dont les résultats sont publiés. Les résultats montrent un profil ADN concordant avec les populations d'Afrique de l'Ouest et avec les populations modernes mixtes afro-équatoriennes. La victime serait donc originaire de l'Equateur ou du Pérou où ces populations vivaient lors de l'ére post-colombienne (au sens après l'arrivée de Christophe Colomb). L'âge exact de la tête ne peut pas être déterminé par les études ADN. La fourchette admise est donc très large: 1600-1898. 1600 marque la date d'arrivée des africains en Amérique du Sud et 1898 l'extinction des dernières populations de chasseurs/cueilleurs en Equateur.

Comme vous pouvez le constater les résultats de cette étude semble minces. Cependant, il ne s'agit pas d'une étude « historique » mais plutôt d'une validation d'un procédé d'analyse sur des corps sévèrement détériorés après la mort. Pour rappel, la méthode de fabrication des têtes réduites est très minutieuse: une décapitation précise, le crâne est ensuite retiré et offert au dieu Anaconda. Les yeux et la bouche sont alors fermés puis le masque est baigné dans une décoction de baies. Ce bain permet la réduction de la tête à un tiers de son volume original. Le masque est retourné puis raclé et nettoyé. La dernière étape consiste à remplir le masque avec des pierre chauffées et les espaces restant sont comblés avec du sable également chauffé.

Cette étude montre finalement que les études ADN permettent de valider l'authenticité d'artefacts dégradés comme peuvent l'être les têtes réduites.



Source:
Archaeol Anthropol Sci (2011) 3:223–228
DOI 10.1007/s12520-011-0064-1
The genetic signature of a shrunken head
Dalia Hermon & Ron Gafny & Ashira Zamir & Lia Hadas & Marina Faerman & Gila Kahila Bar-Gal

Image: Wikicommon


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