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L'Atlantide : entre mythe, réalité et dérives sectaires

Depuis des siècles, la légende de l'Atlantide, rapportée par Platon dans le Timée puis le Critias, fascinent les esprits. D'aucuns situent l'île engloutie dans les Caraïbes, d'autres en Antarctique, au large du continent africain ou encore en Amérique du sud. Les spécialistes du monde hellénique en revanche y voient la construction d'un pieux mensonge du philosophe grec. Début décembre, un article de l'Herald de Paris sur la découverte d'une ancienne cité gisant au fond de l'océan a relancé la controverse et, en dépit d'un démenti du journal, la chaîne de télévision MSNBC et les tabloïds britanniques comme le Daily Mail, ont annoncé la énième découverte du site de l'Atlantide.

Au 3ème siècle avant notre ère, Platon décrit l'Atlantide (littéralement l'île d'Atlas) comme un magnifique continent sous l'influence d'une civilisation prospère. La cité se serait dotée d'un somptueux Palais fait d'ivoire, d'or et d'argent, ainsi que de magnifiques temples, ponts, canaux de navigation et même d'un hippodrome. Selon le philosophe, les rois Atlantide auraient conquis une partie de l'Europe et de l'Afrique avant d'être arrêtés par les Athéniens. Par ailleurs, l'arrogance des souverains l'Atlantide aurait si fortement déplu aux Dieux de l'Olympe qu'ils l'auraient condamnée à disparaître au fond de l'eau après un gigantesque cataclysme. Platon précise que ces évènements se seraient déroulés 9 000 ans auparavant et qu'ils lui auraient été rapportés par son grand-père, lequel tiendrait l'histoire d'un prêtre égyptien. Il donne toutefois une localisation floue de l'île, située quelque part en Méditerranée au-delà des colonnes d'Hercule (Gibraltar), qui a fait naître le mythe et inspiré des intellectuels de divers horizons, tels le philosophe anglais Sir Francis Bacon (La Nouvelle Atlantide, 1627), le poète catalan Jacint Verdaguer (Atlantide, 1877), l'écrivain français Pierre Benoit (L'Atlantide, 1919) ou encore Jules Verne (dans Vingt Mille Lieues sous les mers en 1869-70 et L'Éternel Adam en 1910).

Parmi les nombreuses théories concernant le continent perdu l'Atlantide, certaines emanent d'organisations sectaires (comme c'est souvent le cas lorsque l'histoire flirte avec la mythologie). Ainsi, lors d'une conférence en 1932, Edgar Cayce (surnommé le Prophète dormant) prétend avoir eu une vision du site qui reprend en partie les hypothèses proposées par le député américain Ignatius Donnelly (Atlantide : Monde. Antédiluvien, 1882). Selon Cayce, l'Atlantide se trouverait à l'emplacement actuel des Bahamas. Il s'agirait d'un vaste continent avec une technologie de pointe et dont les réfugiés auraient peuplé l'Égypte antique et les régions précolombiennes d'Amérique. Les adeptes d'Edgar Cayce perpétuent l'œuvre du gourou à travers la fondation qu'il a créé en 1931 : l'ARE (Association for Research and Enlightenment ou Association pour la recherche et l'enseignement spirituel). Celle-ci mène, entre autre, des recherches sur le mythe atlante. La découverte, en 1969, d'une énigmatique pierre viendrait corroborer les prédications de Cayce et ses adeptes sont persuadés qu'il s'agit du vestige d'une chaussée ou d'un temple atlante. Le 23 décembre dernier, le Miami Herald a annoncé qu'en 2010, l'ARE financerait 4 missions d'archéologie sous marine au large de l'archipel des Bimini à 80 km des côtes de la Floride.

Une seconde théorie tout aussi dangereuse, qui place l'Atlantide en Antarctique, a été remise au goût du jour par deux bibliothécaires canadiens Rand et Rose Flem-Ath, auteurs d'un livre intitulé When the Sky Fell: In Search of Atlantis (Quand le ciel tombait : à la recherche Atlantide, 1995). Ils s'inspirent de celle développée par le professeur américain Charles Hapgood, de l’université catholique de Springfield College. Celui-ci soutenait qu'un glissement soudain et uniforme de l’écorce terrestre, liée au poids grandissant des calottes glaciaires situées aux pôles de notre planète, aurait généré un séisme tel que des continents entiers auraient été rayés de la carte. Hapgood s'intéresse ensuite à la recherche des continents perdus (parmi lesquels l'Atlantide) et aux légendes religieuses liées au Déluge. Son œuvre remet en cause le darwinisme et réhabilite le créationnisme. Aucune de ses thèses ne sont confirmées par la communauté scientifique mais Hapgood a réussi à se forger une crédibilité grâce à une préface d'Albert Einstein apposée sur un ouvrage antérieur concernant la tectonique des plaques. Rand et Rose Flem-Ath, quant à eux, pensent que la croûte terrestre aurait connu un déplacement soudain de l'ordre de 3 200 km, il y a environ 10 000 ans, et que les terres habitables auraient glissé dans le cercle polaire. Or, dans les années 60, les scientifiques ont prouvé la glaciation complète du continent Antarctique depuis des centaines de milliers d'années.

Depuis des siècles le mythe atlante a engendré un nombre incalculable de théories plus ou moins farfelues. L'Atlantide a été située à peu près partout et il serait fastidieux d'évoquer toutes les thèses développées par les nationalistes (tels le suédois Olof Rudbeck dans Atlantica sive Manheim, 1679-1702 ou l'Allemand Georg Zschaetzsch dans L'Atlantide, Patrie primitive des Aryens, 1922), les ufologues, les speudo-scientifiques (entre autres les tenants de l'énigmatique Institut de Métahistoire) et autres occultistes (comme Antoine Fabre d'Olivet et son inspirateur Delisle de Sales, Histoire du monde primitif ou des Atlantes, 2 vol., 1780). Les atlantes sont tantôt présentés comme une civilisation supérieure dont le savoir immémorial aurait été transmis à l'humanité grâce à des sociétés secrètes (A.F.R.Knötel, Atlantis und das Volk der Atlanten, 1893) tantôt comme des extra-terrestres influençant l'humanité depuis la préhistoire (Erich von Däniken, Chariots des Dieux, 1968).

L'hypothèse qui semble la plus plausible à ce jour, est celle proposée en 1969 par le vulcanologue grec Angelos Galanopoulos, auteur d'un ouvrage intitulé Atlantis: The Truth Behind the Legend (Atlandide: la vérité derrière la légende). Il identifie les Atlantes à la civilisation crétoise détruite à la suite de explosion volcanique de Santorin en mer Égée vers -1650 et des énormes tsunamis qu'elle aurait générés. Cette thèse a fasciné le commandant Cousteau et son équipe au point de partir à la recherche de la cité engloutie au large de l'île de Crête et dans la caldera du volcan de Santorin (À la recherche de l'Atlantide, Flammarion, 1981). Pourtant cette théorie a été démontée en plusieurs points par le géologue britannique Dale Dominey-Howes, co-directeur de l'Australian Tsunami Research Centre and Natural Hazards Research Laboratory, puis par l'écrivain et journaliste Richard Ellis, auteur un livre intitulé Imagining Atlantis et d'articles publiés par le National Geographic, le Smithsonian et la revue Scientific American. Ce dernier analyse une bonne partie des nombreuses hypothèses proposées à ce jour et arrive, à la suite de Montaigne en son temps, à la ferme conclusion que la légende atlante est une "fiction philosophique". Cette idée est largement partagée par les spécialistes du monde hellénique, parmi lesquels l'historien Pierre Vidal-Naquet (L'Atlantide. Petite histoire d'un mythe platonicien, Les Belles Lettres, 2005) et l'archéologue Bernard Sergent (L'Atlantide et la mythologie grecque, L'Harmattan, 2006).


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