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Qui a tué le Baron Rouge ?

Tout comme l'assassinat du président Kennedy, la mort de Manfred von Richthofen alias le Baron Rouge ou le Diable Rouge, survenue le 21 avril 1918, est obscurcie par des dizaines de témoignages contradictoires et autant de spéculations. La découverte récente de son certificat de décès (cf : Ultime pirouette du Baron Rouge) relance les débats. Le pilote allemand a-t-il été touché mortellement dans un combat aérien ou assassiné au moment où il tentait de s'extraire de son triplan?

La Royal Air Force, attribue la mort de Manfred von Richthofen au capitaine de l'escadrille 209, Arthur Roy Brown.Cette thèse a été confirmée en 1927 par Floyd Phillips Gibbons, un ancien correspondant de guerre du Chicago Tribune et auteur d'un ouvrage intitulé The Red Knight of Germany (Le chevalier rouge de l'Allemagne). La même année paraît, dans la revue Liberty, un document rédigé à la première personne, My Fight With Richthofen (Mon combat contre Richthofen). Le témoignage est censé être l'œuvre de Roy Brown mais on sait que les rédacteurs du magazine lui ont tenu la main. Si la véracité des événements rapportés dans ces livres peut sembler douteuse, ils sont du moins corroborés par un témoin important, Oliver LeBoutillier, également pilote dans l'escadrille 209. Cependant, des analyses récentes tendraient à prouver que les premiers tirs auraient débutés moins d'une minute avant atterrissage forcé du triplan, c'est à dire trop tôt pour infliger la blessure fatale.
Dès 1925, The Progressive, un magazine New-Yorkais, publie un article dont le titre est sans équivoque : Richthofen Was Murdered (Richthofen a été assassiné). Il s'appuie sur des rumeurs qui circulaient en Allemagne depuis longtemps et prétend que le Baron Rouge a été abattu par des soldats canadiens, stationnés dans une tranchée proche de son lieu d'atterrissage. Des pilotes allemands auraient vu le triplan atterrir relativement normalement et en auraient conclu que le Baron avait été capturé vivant, avant que les spéculations sur son meurtre ne commencent à s'amplifier. Cette théorie de « l'assassinat au sol » aurait été largement remise en cause par des témoins oculaires qui seraient arrivés avec les premières troupes sur le lieu du crash.
Un autre groupe de témoins prétendrait que le Baron aurait été pris en chasse par deux Sopwith Camel, des avions britanniques, avant de s'écraser au sol et de prendre feu. Le sergent Albert George Franklyn, qui était en charge de la batterie aérienne australienne, fait parti de ceux-là. Selon lui, le triplan de Manfred von Richthofen aurait été abattu par un fusil-mitrailleur Lewis. Les spécialistes pensent qu'il s'agit d'une confusion avec une fusillade survenue le lendemain.
Dans un livre paru en 1969, Who Killed the Red Baron? (Qui a tué le Baron Rouge), P. J. Carisella et James W. Ryan, citent le témoignage du lieutenant R. A. Wood du 51ème bataillon. Selon lui, Richthofen aurait été abattu par un tireur de son unité. « Dès que le triplan du Baron Rouge est passé au-dessus de mon peloton, nous avons lâché des rafales de mitrailleuse Lewis et Sicker. Peu de temps après, l'engin s'est écrasé » dit-il. Ce témoignage est confirmé en 1975 par celui de V. J. Emery du 40ème bataillon. Pour Emery, les soldats de Wood étaient les mieux placés de la zone pour tirer le coup fatal.
Une autre hypothèse est rapportée par les membres de deux compagnies anti-aériennes australiennes qui étaient stationnées à Morlancourt. En 1956, l'artilleur Robert Buie du 53ème bataillon, raconte dans un journal australien comment, avec son compagnon William Evans, il a ouvert le feu sur un avion allemand qui avait pris en chasse un engin britannique. Les historiens qui ont tenté une reconstitution affirment pourtant que leur position sur le terrain ne leur aurait pas permis de toucher le pilote sur le coté, comme ils le prétendaient.
Le témoignage qui semble le plus plausible est celui du sergent Cedric Bassett Popkin de la 24ème compagnie d'artillerie. Peu de temps après les évènements, celui-ci déclare : « lorsqu'il est arrivé vers moi, j'ai ouvert le feu une seconde fois et j'ai constaté que j'avais fait mouche. L'avion a fait une embardé, a tenté d'atterrir et s'est écrasé. Ma mitrailleuse était située à environ 500 m du lieu du crash. » Si la distance de tir, semble raisonnable, l'angle rend la probabilité que Popkin ait touché le Baron Rouge moins probable. En 1964, le sergent Popkin explique lui-même au Brisbane Courrier qu'il n'est pas sur à 100% d'être responsable de la mort de Manfred von Richthofen. C'est pourtant cette théorie qui semble emporter aujourd'hui les suffrages des chercheurs, parmi lesquels Norman Franks et Alan Bennett, auteurs d'un ouvrage intitulé The Red Baron's Last Flight (Le dernier vol du Baron Rouge).

En 2004, une équipe de chercheurs de l'Université du Missouri, le psychologue clinicien Daniel Orme et le neutropsychologue Thomas L. Hyatt publient un article dans la revue Human Factors and Aerospace Safety, dans lequel ils concluent que le Baron Manfred von Richthofen s'est lui-même placé dans une situation extrêmement périlleuse. On sait, en effet, que le pilote allemand souffrait d'une grave blessure à la tête depuis 9 mois. En consultant son dossier médical, les deux chercheurs ont pu établir que le Baron Rouge présentait les signes courants d'un traumatisme crânien, notamment un changement de personnalité et une distorsion cognitive qui l'ont conduit à des erreurs de jugement. C'est ainsi que Richthofen se serait lui-même placé en position de cible au milieu du champ de tir des lignes ennemies. Le professeur Orme ajoute que, dans son état, le Baron Rouge n'aurait jamais du quitter le plancher des vaches. Selon eux, on peut donc également attribuer la mort du Baron Manfred von Richthofen aux soldats qui l'ont blessé à la tête le 6 juillet 1917, Albert Edward Woodbridge et Donald Charles Cunnell, du 20ème escadron de la Royal Air Force.

Source : PBS


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