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Bons baisers de l'espace...

La semaine dernière, nous avons vu, qu'à défaut de pouvoir supprimer les festivités de fin d'année et le traditionnel arbre de Noël, les dirigeants de l'ex-URSS s'étaient ingéniés à les détourner au profit de la propagande soviétique (cf Joyeux Noël, camarade !). Au cours de mes recherches sur ce sujet, j'ai dégotté une multitude cartes de vœux et de timbres datant de la même période et célébrant l'ère de la conquête spatiale. Or, je disposais déjà d'une collection de clichés du musée de Cosmonautique à Kalouga. J'ai donc décidé de les réunir dans une brève rétrospective de l'histoire spatiale sovieto-russe.


Les Russes ont rêvé de l'espace depuis que Constantin Tsiolkovski (1857-1935), le père de l'astronautique, a imaginé le concept de l'ascenseur spatial et publié les premiers ouvrages théoriques sur les fusées. Ses travaux sont exposés au musée d'histoire de la cosmonautique de Kalouga, sa ville d'adoption (à 200 km de Moscou).
Les théories de Tsiolkovski sont développées par l'ingénieur allemand Wernher von Braun (1912-1977) et mises en pratique, dès la seconde guerre mondiale, dans la conception des prototypes des premiers lanceurs de l'ère spatiale, les missiles V2. Dans le cadre de l'opération Paperclip, Wernher von Braun et près de 1 500 scientifiques issus du complexe militaro-industriel allemand, sont exfiltrés par les forces américaines, via le camp de prisonniers de Fort Hunt.
Coté soviétique, c'est le Département 7 (opérations scientifiques) qui est chargé de récupérer le matériel et les spécialistes nazis, parmi lesquels Helmut Gröttrup (1916-1981), l'ancien assistant de von Braun. Jusqu'en 1947, date à laquelle les scientifiques allemands sont écartés du programme spatial soviétique, Gröttrup travaille sous la direction de Sergueï Korolev (1907-1966) et de Valentin Glouchko (1908-1989). On considère aujourd'hui que ce dernier est le premier à avoir adapté la théorie de Constantin Tsiolkovski avec la réalisation du premier moteur-fusée à liquides, appelé ORM-1, en 1931.
Quoi qu'il en soit, la guerre des étoiles entre les deux superpuissances débute dès le lendemain de la défaite nazie. En effet, en 1946, décolle le premier missile balistique américain et, en 1947, c'est au tour de la fusée V2 soviétique de s'élancer.






L'Union Soviétique inaugure officiellement l'ère de la conquête spatiale, dans le cadre de l'Année géophysique internationale, en plaçant le premier satellite artificiel en orbite, Spoutnik 1 (littéralement compagnon), le 4 octobre 1957. Cette petite sphère en aluminium, qui mesure 58 centimètres de diamètre et pèse un peu plus de 83 kg, est lancée depuis le cosmodrome de Baïkonour au Kazakhstan. Après avoir tourné 1 400 fois autour de la Terre et parcouru 70 millions de kilomètres, Spoutnik rentre dans l'atmosphère, le 4 janvier 1958, et se consume. Au cours des années suivantes, l'astronautique soviétique multiplie les premières: le premier animal placé en orbite (la chienne Laika, en novembre 1957), la première photo de la face cachée de la Lune (sonde Luna 3 en 1959), le premier vol spatial habité (Iouri Gagarine en 1961), la première femme dans l'espace (Valentina Tereshkova en 1963), la première sortie extra-véhiculaire (1965), la première station spatiale (Saliout 1, en 1971) etc.
Ces évènements, qui modifient radicalement l'image de l'URSS dans le monde, suscitent l'enthousiasme et la vision d'une nouvelle destinée humaine dans le cosmos, mais remettent en cause la suprématie technologique des États-Unis. C'est un nouveau champ de bataille de la Guerre froide qui s'ouvre dans l'espace. Les Américains répliquent par la création de la NASA (1958) et le lancement du programme Apollo (1961). L'objectif du projet, qui est de poser un homme sur la Lune avant la fin de la décennie, est atteint le 21 juillet 1969 (Neil Armstrong et Buzz Aldrin).
L'URSS, de son coté, poursuit son programme spatial avec l'envoi des sondes Luna et Venera, le développement des navettes Bourane, ainsi que des stations Almaz et Saliout. La course astronautique bat son plein jusqu'à l’abandon de la fusée N-1 (conçu par Sergueï Korolev) en 1974 et l'arrêt du programme américain Apollo en 1975.


En réalité, la période de détente entre les États-Unis et l'URSS est amorcée dès le début des années 1970. En effet, en mai 1972, les deux superpuissances s'accorde sur un rendez-vous orbital entre les vaisseaux Apollo et Soyouz. Coté soviétique l'équipage est composé d'Alekseï Leonov et de Valeri Koubassov. Cette initiative coûte une fortune mais remporte un succès phénoménal auprès de l'opinion publique. La fusée spatiale américaine Saturn IB, elle, transporte trois personnes: Thomas Stafford, Vance DeVoe Brand et Donald Kent Slayton.
Finalement, en 1992, George Bush Senior et Boris Eltsine acceptent de s'associer dans un nouveau projet spatial (sous le nom de code Phase une) et un astronaute américain embarque sur la station russe Mir (lancée en 1986). L'année suivante, les deux anciens adversaires annoncent le développement d'une Phase deux, la station spatiale internationale ISS. Ce programme piloté conjointement par la NASA et l'agence spatiale fédérale russe (FKA ou Roscosmos) devrait s'achever en 2011.
La FKA est née du remaniement de la RKA (Rousskoye Kosmitcheskoye Agentsvo) en 1999. Youri Koptev qui dirigeait la RKA depuis sa fondation en 1992, a conservé la tête du programme spatial civil jusqu'en 2004. A cette date, il a été remplacé par Anatoly Perminov, l'ancien chef des Forces spatiales militaires. Ce dernier a annoncé des projets ambitieux vers Mars et la Lune. A partir de 2006, le budget spatial russe à augmenté parallèlement à la reprise économique et, en 2009, il représentait 2,4 milliards de dollars (contre 700 millions, 7 ans plus tôt). Environ 50% de ce budget est dédié au programme ISS. Le reste devrait être consacré à la sonde Phobos-Grunt (lancement prévu en 2011) qui doit explorer l'une des deux lunes de Mars, la sonde lunaire Luna-Glob 2 (d'ici 2012 -2015 )ou encore la sonde Venera-D à destination de Vénus (2016).


Illustration du périodique Tehnika Molodezhi ("Technologie pour la jeunesse"), 1959


Tehnika Molodezhi, 1970


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