Les scientifiques utilisent des outils de plus en plus sophistiqués qui permettent d'explorer le passé et d'en tirer des conclusions inattendues. Deux études récentes, menées par des généticiens et des archéologues, ont été publiées, le 24 septembre dernier, dans les revues Current Biology et Nature. La première porte sur les peuples scandinaves, la seconde sur les populations du sous-continent indien.
La première étude, portant sur l'analyse ADN de fossiles scandinaves datant de l'âge de pierre, a été menée par un groupes de chercheurs Suédois, Danois et Britanniques. Il s'agissait de répondre à une question qui a fait l'objet de controverses pendant plus d'un siècle : quel élément a déclenché le passage d'une alimentation basée sur la chasse et la collecte à celle issue de l'agriculture et de l'élevage ? Or le modèle Scandinave occupe une place d'exception dans ce débat puisque les deux systèmes ont coéxistés pendant plus d'un millénaire.
Les tests ADN devaient permettre de déterminer si les techniques agricoles et d'élevage étaient une innovation des chasseurs-cueilleurs où si elles ont été importées par des migrants. La chercheuse Helena Malmström explique qu'il est très difficile d'obtenir des résultats probants lorsque les tests portent sur des fossiles aussi anciens. Les séquençages ADN initiaux datent de trois ans. Il a fallu, en effet, plusieurs années aux scientifiques avant de pouvoir confirmer que les prélèvements datent de plusieurs milliers d'années.
« Les chasseurs-cueilleurs qui vivaient en Scandinavie, il y a 4000 ans, ont un génotype différent du notre » explique Anders Götherström du département de biologie de l'évolution à l'Université d'Uppsala en Suède. Il dirige un projet en collaboration avec Eske Willerslev du Centre de Géogénétique à Copenhague. Ce constat prouve que les Scandinaves (Lapons compris) ne sont pas les descendants de populations arrivées à la fin de la dernière période glaciaire mais de populations ayant immigrées postérieurement depuis la région balte (Lettonie et Lituanie actuelles). On ne sait pas si cette seconde vague migratoire, datant du Néolithique, s'est limitée à la Scandinavie ou si elle s'est étendue à une plus vaste région.
Une seconde équipe composée de chercheurs Américains et Indiens s'est intéressée au patrimoine génétique des peuples indiens (de l'Inde). Bien que les séquences du génome de deux personnes sans lien de parenté ne différent que de 0,1 %, cette tranche infime de matériel génétique distincte permet de collecter une foule d'informations et fournit des indices qui permettent de reconstituer les origines historiques des populations contemporaines.
L'équipe a analysé plus de 500 000 marqueurs génétiques, provenant des génomes de 132 individus soit 25 groupes de populations différents, 13 régions et 6 langues. Les tests révèlent que les habitants du sous-continent descendent de deux groupes distincts. Après une brève période de métissage, ces populations sont restées isolées les unes des autres et ont vécues séparément pendant des milliers d'années. David Reich, professeur de Génétique à la Harward Medical Scholl explique que 40 à 80 % des Indiens seraient des descendants des populations du Nord, rattachées aux Eurasiens ; les autres, à celles du Sud, les héritières de groupes indigènes dont on a aucune trace en dehors du sous-continent. Les habitants des îles Andaman, un archipel de l'océan indien, présentent une exception. Les Adamans se sont distingués des autres populations eurasiennes il y a plusieurs dizaines de milliers d'années et sont les seuls descendants directs des anciens colonisateurs du sud de l'Asie.
Kumarasamy Thangaraj, du Centre de Biologie Cellulaire et Moléculaire à Hyderabad en Inde, ajoute que les données génétiques ne permettent pas de distinguer les individus issus des Tribus ancestrales de ceux issus des Castes. On peut en conclure que le système des castes a émergé d'organisations tribales au cours de l'évolution de la société indienne.
Images:
1- Molécule d'ADN, Maxiscience.com
2- "L'Arbre de vie" de Gustav Klimt