Notre curiosité du jour n'est pas une page de livre en braille mais une sculpture de Jim Sanborn exposée dans l'enceinte du quartier général de la CIA à Washington. Kryptos ("caché" en grec) a été réalisé en collaboration avec Edward M. Scheidt, un expert en cryptologie. Les 2000 lettres inscrites sur les parois du monument forme un message codé dont seul l'ancien directeur de la CIA, William Webster, détiendrait la clé... sauf qu'il prétend avoir un trou de mémoire.
Voilà maintenant 20 ans que Kryptos narguent, du haut de ses 4 mètres de cuivre, les cryptologues amateurs du monde entier. L'écrivain américain Dan Brown notamment y fait référence dans son œuvre. Sur la couverture du Da Vinci Code, le romancier a caché deux indices renvoyant vers la sculpture. Lors de la sotie de son dernier livre, Le symbole perdu, Dan Brown a mentionné de nouveau Kryptos.
A la fin des années 90, trois panneaux ont été décodés par l'informaticien américain James Gillogly et l'analyste de la CIA, David Stein. La dernière section, soit une centaine de caractères, résiste en revanche à toute tentative d'interprétation. Les deux premiers modules de Kryptos (K1 et K2) ont été réalisé à partir du chiffre de Vigenère, un procédé de cryptage inventé par le diplomate français Blaise de Vigenère (1523-1596). Il s'agit d'un système de substitution poly-alphabétique ou de chiffrement polyalphabétique. Cela signifie qu'il permet de remplacer une lettre par une autre qui n'est pas toujours la même. Le troisième panneau (K3) utilise la méthode du chiffrement par transposition (ou chiffrement par permutation) qui consiste à construire des anagrammes.
Les textes déchiffrés restent néanmoins assez énigmatiques, excepté un passage faisant référence à l'égyptologue britannique Howard Carter (1874-1939), le découvreur de la tombe de Toutânkhamon. La citation est la suivante : « Lentement, désespérément lentement, les débris qui encombraient la partie basse du passage furent retirés. Les mains tremblantes, j'ai fait une petite ouverture dans le coin supérieur gauche que j'ai progressivement élargie. J'y ai alors introduit une bougie et longuement observé l'intérieur. L'air chaud qui s'échappait de la chambre faisait vaciller la flamme. Mais à présent, les détails de la pièce m'apparaissaient au milieu de la brume. Voyez-vous quelque chose ? ». Le message de la section 1 peut être traduit ainsi « Entre l'ombre la plus subtile, et l'absence de lumière, réside la nuance de l'illusion ». Le puzzle de la section 2 rappelle que William Webster (W.W.) est le seul a détenir la clé de l'énigme « C'était totalement invisible, comment est-ce possible ? Ils ont utilisé les champs magnétiques terrestres. L'information a été rassemblée et transmise discrètement vers une destination inconnue. Langley est au courant ? Ils devraient, c'est enterré là, quelque part. Qui connaît l'emplacement exact ? Seulement WW. C'était son dernier message. 38 ° 57' 6,5 Nord. 77 ° 8' 4 Ouest. »
Ed Scheidt a quitté la CIA en 1990 et fondé une société de sécurité informatique (TecSec) dans le Maryland. Jim Sanborn (né Herbert James Sanborn) a réalisé plusieurs autres sculptures dont le Cyrillic Projector (Projecteur Cyrillique), baptisé Antipodes et exposé à l'Université de Caroline du Nord depuis 1997. Les caractères russes qui ornent le monument ont été décrypté en 2003. Il s'agit d'une transposition d'un document émanant du KGB. Le premier texte est un memorandum sur le contrôle psychologique et la manière d'en tirer des informations. Le second est une citation concernant le physicien et dissident soviétique Andreï Dmitrievitch Sakharov (Prix Nobel de la paix en 1975). Jim Sanborn est également l'auteur d'une œuvre intitulée Lingua, composée de 16 petits cylindres avec des textes en plusieurs langues. Elle se trouve au Convention Center de Washington. La prochaine exposition de Jim Sanborn, Terrestrial Physics, est prévue en juin 2010 au Musée d'Art Contemporain de Denver.
Sources : Armees.com et Wired.com