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Lewis et Clark, pionniers et météorologues de l'Ouest américain

L’épopée de Lewis et Clark, qui a duré près de deux ans et demi, est devenue l'un des mythes fondateurs de l’histoire des États-Unis. Non seulement les deux explorateurs ont tenu un journal précis de leur voyage, mais aussi les sergents Ordway, Floyd, Gass, et Joseph Whitehouse qui les accompagnaient. Le document intégral est épais de 10 000 pages! Ce que l'on sait moins, c'est la place accordée à la collecte de données scientifiques et notamment à l'observation météorologique.

Lewis et Clark ont consigné un nombre considérable d'informations sur la faune, la flore, ainsi que des mesures de températures étonnamment précises. Des scientifiques de la NOAA (National Oceanic and Atmospheric Administration), S. Solomon et J.S. Daniel, se sont penchés sur les archives et ont été impressionné par la précision de ces mesures.

Thomas Jefferson devint le troisième président des États-Unis en 1801. Entre autres actions, il acheta l'immense territoire de la Louisiane à la France (traité du 30 avril 1803), et pour la modique somme de 15 millions de dollars - soit moins de 7 dollars le km2 - l’acquisition permit au gouvernement de doubler la superficie du pays. Au début du 19e siècle, la Louisiane s’étendaient des rives du Mississippi aux montagnes Rocheuses et du golf du Mexique à la frontière canadienne.
Le territoire était encore mal connu, mais le président Jefferson espérait y découvrir le passage du nord-ouest, qui permettrait de traverser le continent par les voies d’eau. Pour s’en assurer, il organisa une mission d’exploration qui devait également recenser la faune et la flore de ces régions, nouer des contacts officiels avec les populations amérindiennes et repérer des zones propices à l’implantation pionnière. Jefferson confia le commandement de cette mission à son secrétaire particulier, Meriwether Lewis - alors âgé de 28 ans - et à son ami, William Clark un militaire originaire de Virginie. Lewis fût personnellement chargé de « l'observation du climat », à savoir les variations de températures, la proportion de jours pluvieux, nuageux ou clairs, la fréquence des chutes de neige et de grêle, les risques de foudre, les vents dominants, l'alternance des saisons, etc.

Comme il était prévu de remonter d'abord le Missouri jusqu'à sa source, Lewis et Clark rassemblèrent les membres de l'expédition près de son embouchure, à Camp Wood dans l’Illinois (automne /hiver 1803). Le groupe comptait trente à quarante-cinq soldats et gardes-frontières. Ils furent rejoints quelques mois plus tard par deux guides interprètes: Toussaint Charbonneau, un Canadien français natif de la région de Montréal, et sa jeune femme, une indienne shoshone nommée Sacagawea - qui, pour la légende devait rester à jamais la « femme oiseau ».
Partis de Saint-Louis le 14 mai 1804, Lewis et Clark avancèrent lentement car le fleuve était puissant, parfois dangereux, et les méandres doublaient la distance à parcourir. Ils passèrent leur premier hiver avec le peuple Mandan, de la tribu des Dakotas et, au printemps 1805, ils remontèrent le Missouri jusqu'à son cours supérieur, vers les montagnes Rocheuses. Cette partie de l’expédition fut sans aucun doute la plus dure, mais également la plus riche, et celle qui donna les plus belles pages du journal tenu par les deux hommes. Contrairement à leurs prévisions, la chaîne de montagnes se révéla large et difficile à traverser.
Le 7 novembre 1805, l’expédition atteignit enfin la côte Pacifique et hiverna sur les berges du fleuve Columbia. Espérant en vain voir arriver un navire américain qui pourrait leur fournir des provisions, Lewis et Clark décidèrent finalement de prendre le chemin du retour. Dès les premiers signes du dégel, ils divisèrent le groupe en deux équipes afin de couvrir des terrains différents. Progressant toutes deux par voie de terre pour éviter de remonter les eaux tumultueuses de la Snake River, les explorateurs se retrouvèrent au confluent du Yellowstone et du Missouri. Le 23 septembre 1806, après avoir parcouru plus de 13 000 km, Lewis et Clark étaient enfin de retour à Saint Louis.

Du 19 septembre 1804 au 6 septembre 1805 (date à laquelle le dernier thermomètre fût cassé), les températures ont été mesurées chaque jour au lever du soleil et à 4h de l'après-midi. En plus de ces données, Lewis et Clark ont consigné des informations sur les chutes de neige, les hivers doux de l'Oregon et les crues subites. Le rude climat de ces territoires a souvent surpris les hommes de la côte Est. Dans l'une des entrées de son journal, Clark a écrit que le climat était tellement humide et froid qu'il craignait que ses pieds ne gèlent dans les fins mocassins qu'il portait.
En dépit de ses conditions souvent extrêmes, Lewis a soigneusement calibré ses thermomètres. Il explique qu'il les a testé en les plongeant successivement dans un mélange de glace et de neige fondues puis dans de l'eau bouillante. Ces étalonnages ont permis aux deux explorateurs de réaliser des mesures précises. Salomon et Daniel ont comparé les données recueillies par Lewis et Clark avec celles consignées ces dernières décennies dans les archives contemporaines de l'Observatoire Météorologique Américain (U.S. Cooperative Observer Network). Les résultats consignés il y a deux cent ans par Lewis et Clark sont très proches. Par exemple, les deux explorateurs ont noté que dans l'état du Montana, les températures minimales en Juin / Juillet étaient autours de 50° Fahrenheit (10° Celsius). Selon les observations contemporaines, ces données sont fiables à deux degrés Fahrenheit près.
Les observations climatiques de Lewis et Clark ne portant que sur une année, elles n'apportent pas de résultats significatifs pour la discipline mais la démarche scientifique, en revanche, est remarquable de précision. En apportant de nouvelles connaissances (que ce soit dans le domaine de la météorologie comme dans les autres), ces pionniers ont encouragé leurs compatriotes à penser leur pays en termes de continent, ouvrant ainsi la voie à l’expansion territoriale à l’ouest du Mississippi.


Source : Solomon, S. & Daniel, J.S. (2004). Lewis and Clark: Pioneering Meteorological Observers in the American West [Version electronique]. Bulletin of the American Meteorological Society, 85(9), 1273-1288

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