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Le chaînon Ida - Colin Tudge

Sa découverte a été annoncé en mai dernier avec trompettes et tambours. Elle était la "huitième merveille du monde", "notre Joconde", une "pierre de Rosette de l'évolution". Ida, âgée de 47 millions d'années, est l'un des fossiles les mieux préservé du monde. Et, selon les scientifiques qui l'ont étudiée, elle serait surtout l'ancêtre commun aux deux grands groupes qui séparent les primates: celui des lémuriens et des loris, d’un côté, et celui des anthropoïdes, de l’autre (tarsiers, singes et humains).

Or, il y a quelques semaines, leur théorie a été démontée par une autre équipe de chercheurs. Selon ces derniers, Ida représenterait en fait une nouvelle espèce de primate baptisée Darwinius massillae et n'aurait rien de commun avec la lignée dont nous sommes issus.

Ida a été exhumée en 1983 par un chasseur de fossiles sur le site de Messel en Allemagne. En 2007, ce collecteur qui souhaitait rester incognito, la vend, via un intermédiaire, au paléontologiste norvégien Jørn Hurum. Le Muséum d'Histoire Naturelle d'Oslo a quand même déboursé 1 million de dollars pour cette acquisition. Le docteur Hurum a ensuite réunie une équipe internationale d'experts, parmi lesquels Jens L. Franzen, Philip D. Gingerich, Jörg Habersetzer, Wighart von Koenigswald et B. Holly Smith, qui ont planché pendant deux ans sur le petit squelette. Ida a été virtuellement disséquées à coups de rayons X puis fait l'objet d'une reconstitution en 3D.

Ida est un spécimen femelle de la taille d'un petit singe ou d'un chat et âgée de 9 mois (soit l'équivalent de 6 ans pour un humain). Elle avait le poignet gauche cassé lorsqu'elle s'est noyée dans le lac de Messel, sans doute à la suite d' une éruption volcanique. Seul le membre inférieur gauche manque au fossile, qui a été si bien conservé qu'on peut distinguer les reliefs de sa fourrure et les restes de son dernier repas dans la cavité gastrique. L’analyse du contenu de son estomac a montré qu'elle se nourrissait exclusivement de fruits et de feuilles.

Dans le même temps, l'équipe s'est penchée sur son environnement naturel. Le gisement fossilifère de Messel, l'un des plus riche de l'éocène inférieur, constitue une véritable caverne d'Ali Baba de l'évolution (l'equivalent du désert de Gobi pour les dinosaures). On y trouve non seulement une quantité phénoménale de fossiles, mais surtout dans un extraordinaire état de conservation. A l'époque d'Ida, une bonne partie de l’Allemagne était composée de volcans et de lacs sulfureux. Elle vivait donc, comme ses cousins lémuriens, dans une végétation tropicale. L'ancien lac fait actuellement 700 m². On y trouve de nombreuses espèces de mammifères, d’oiseaux, de reptiles et plus de 10 000 fossiles de poissons.

Ida est finalement révélée au public le 19 mai 2009, lors d'une conférence de presse au Museum d'Histoire Naturelle de New-York. Outre l'incontournable publication d'un article scientifique paru dans PLoS One, Ida a fait l'objet d'un documentaire, The Link (littéralement Le lien ou le chaînon), sur la chaîne américaine Hytory Channel, puis d'un reportage de Sir David Attenborough sur la BBC, Uncovering Our Earliest Ancestor (Découvrir notre premier ancêtre). A cela, s'est ajouté un ouvrage de vulgarisation du journaliste scientifique, Colin Tudge. Ce livre a été traduit en français en septembre dernier (Le chaînon Ida : à la découverte de notre plus vieille ancêtre, JC Lattès, 2009, 307 pages).

Les controverses ne se sont pas fait attendre. Deux jours après la présentation médiatique d'Ida, le paléontologue américain Christopher Beard publiait un article intitulé Why Ida fossil is not the missing link (Pourquoi Ida n'est pas le chaînon manquant) dans le New Scientist. Les débats se sont amplifiés au fur et à mesure du temps et ont trouvé, semble-t-il, leur conclusion avec la parution d'un article dans Nature, le 22 octobre. Le docteur Erik Seiffert, de l'Université de Stony Brook, a examiné 360 caractères morphologiques chez 117 primates. Pour lui, Ida s'apparente à Afradapis longicristatus, un primate du groupe des adapiformes de 37 millions d’années et qui a été découvert dans le désert du Fayoum en Egypte. Les adaptiformes ont fait également l'objet d'une controverse. Certains chercheurs ont avancé l'hypothèse qu'ils seraient les ancêtres des anthropoïdes. Pour l'équipe du docteur Seiffert, ce groupe rassemblerait uniquement les ancêtres des lémuriens et des loris.

Si la remise en cause du chaînon Ida retire un peu de saveur à la lecture de l'ouvrage de Colin Tudge, il reste néanmoins assez passionnant. La première partie, consacrée aux conditions de découvertes du fossile, fait partager au lecteur la curiosité et l'enthousiasme des paléontologues. Le journaliste américain s'étend ensuite longuement sur l'histoire et l'étude du site de Messel. C'est un panorama fort instructif pour le néophyte qui découvre la richesse de cette fosse fossilifère. Les chapitres suivants font le point sur l'état des connaissances scientifiques dans le domaine de l’évolution des mammifères et des primates, ainsi que de la flore et des grandes tendances climatiques. La dernière partie du livre, qui vise à replacer Ida dans l'arbre généalogique des hominidés, perd évidement de son attrait au vu des controverses récentes. Pour ma part, je dois avouer que je n'ai pas eu le courage de m'y plonger.







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