Les Itelmènes (littéralement gens qui vivent ici) sont un peuple autochtone de la péninsule du Kamtchatka, à l'est de la Sibérie. Ils s'y sont établis avant que le détroit de Béring ne sépare l'Asie de l'Amérique du Nord. Les archéologues pensent qu'ils sont arrivés d'Asie centrale par le lac Baïkal et les tests génétiques ont révélé qu'ils sont les proches parents des Indiens Tligit en Alaska. La population ne dépasse guère 2500 individus pour l'ensemble de l'ex-URSS.
Les Tligit et Itelmènes partagent les mêmes mythes : le Dieu corbeau, Kutkh, créateur de la terre et de tous les êtres vivants, ainsi que le Dieu Mitg, maître des océans, qui offre aux hommes la meilleure des nourritures, à savoir le poisson (le plat traditionnel des Itelmènes, qui le dégustent salé et fumé). Les études anthropologiques ont également montré que les Itelmens ont de nombreux points communs avec les tribus Navajos. Ils se distinguent en revanche des Koriaks en plusieurs points.
Bien qu'ils soient minoritaires au sein du Kraï du Kamtchatka (anciennement Territoire Autonome de Koriakie), les Itelmènes se considèrent comme supérieurs à leurs voisins. Ces aristocrates indiens n'ont jamais pratiqué ni la chasse ni la cueillette et, bien qu'ils aient conservé une partie de leur mode de vie ancestral, ils ont un niveau d'éducation supérieur à celui des autres groupes ethniques du Kamtchatka.
L'autre particularité des Itelmènes est leur langue. Rattachée au groupe paléo-asiatique, elle s'est séparée précocement de la famille linguistique des Koriaks et des Tchouktches. Elle était enseignée à l'école au début du 20ème siècle et utilisait un alphabet latin. Cette écriture fut abandonnée en 1936 avec la russification forcée des territoires soviétiques et l'obligation d'utiliser l'alphabet cyrillique. Les enseignants ont résisté et ont préféré fermer les écoles plutôt que de se plier à la réforme. Les locuteurs sont donc devenus rares et, en 1979, seuls 350 Itelmènes parlaient la langue de leurs ancêtres. Dans les années 80, suivant une directive du pouvoir central pour la promotion des peuples du nord, il a été décidé de recréer la langue des Itelmènes. Un nouvel alphabet, basé sur 32 caractères cyrilliques, a été publié en 1986 mais il semble que l'initiative ait tourné court.
À l'arrivée des Russes au XVIIe siècle, les Itelmènes comptait 12 700 individus. Les premiers explorateurs, Ivan Kamtchaty, Simon Dejnev et le Cosaque Ivan Rubets revinrent du Kamtchatka avec des récits décrivant une terre de volcanique, riche en poissons et en fourrures.
La première colonie, Anadyr, fut fondée en 1697-98 par Vladimir Atlassov à la tête d'une véritable armée de Cosaques et de Youkaguires (originaires de Sibérie). Les colonisateurs russes avaient en effet pour habitude d'user des velléités de conquêtes des peuples voisins pour assurer leurs positions.
Les colons s'empressèrent de lever des impôts et n'hésitèrent pas à user de persuasion, si nécessaire. Lorsque la collecte de fourrures étaient jugée insuffisantes, les brutaux conquérants réquisitionnaient également le poisson séché, l'huile de phoque, les noix de cèdre voire les traineaux et les embarcations. Les populations, sans cesse prises en otage, étaient soumisses à une pression économique et idéologique constante. Au début du 18ème siècle, la conversion des Itelmènes à la religion orthodoxe était déjà en marche.
Les Itelmènes se rebiffèrent à plusieurs reprises (en 1706, 1711, 1731) mais, en 1740, la rébellion fut matée par des déportations massives. Les Itelmènes furent bien obligés de se résigner et commencèrent à adopter une partie des habitudes de l'occupant (y compris son penchant pour la Vodka). Le système tribal a néanmoins survécu et, en dépit des conversions religieuses, l'animisme restait majoritaire. La période soviétique, à partir de 1921, a été bien plus préjudiciable.
Sources : English Russia et Russia The Great