Les archéologues ont longtemps dédaigné le Qatar. Jusqu'au début de l'ère pétrolière, la faible population de l'Émirat se répartie entre plusieurs tribus nomades (vivant de l'élevage) ou, au sein de petits villages de pêche, sur les côtes (où l'huître perlière est la principale richesse). Personne ne s'intéresse alors à cette petite péninsule désertique (d'une superficie de 11 427 km²) entourée par l'Arabie Saoudite, au sud, et le golfe Persique, au nord. Aucun historien n'est curieux de savoir comment vivaient ces gens avant l'avènement de l'Islam, et peu d'occidentaux visitent le Qatar.
Le Royaume de Bahreïn, en revanche, avec ses milliers de sites préhistoriques et ses splendides ruines de forts, datant de la colonisation portugaise, attire les archéologues et les amateurs dès le 19ème siècle. Le capitaine E. L. Durand et le Colonel F. B. Prideaux, les pionniers de l'archéologie dans le Golfe, réalisent un inventaire exhaustif des sites.
En comparaison, le Qatar semble un territoire bien pauvre historiquement, une plaine stérile et inhospitalière, battue par le vent, et avec peu de ressources pour attirer d'éventuels colonisateurs. Néanmoins, dès que revenus pétroliers commencent à affluer dans le pays, Ron Cochrane, un Écossais qui commande les forces de police qataris, suggère qu'une équipe danoise prospectant sur l'île de Bahreïn fasse un détour par la péninsule. C'est donc sur son invitation, en 1956, que le directeur de l'expédition, P.V. Glob, et l'archéologue britannique, Geoffrey Bibby, viennent assister à l'inauguration de la Qatar Petroleum Company. Ils débarquent dans la baie de Zekrit et remontent la côte, vers le Nord, en voiture. C'est ainsi que les premiers tumulus et une quantité d'outils préhistoriques sont découverts.
Les dix années suivantes, les Danois organisent de petites campagnes de fouilles, visant à cartographier le territoire et inventorier les sites où ils exhument d' innombrables silex. Ils explorent également plusieurs tertres préhistoriques sur la péninsule d'Abrouq, qui n'ont pas encore été datés.
Le sculpteur Holger Kapel est chargé de réaliser la nomenclature des outils. Son ouvrage, The Stone Age Cultures of Qatar, est toujours une référence.
En 1973, à la demande du gouvernement qatari (qui projette la construction d'un Musée National), le British Museum organise une expédition, dont la direction est confiée à Beatrice de Cardi. A l'époque, explique plus tard l'archéologue, il y avait un blanc dans l'histoire du Qatar qui s'étendait de l'âge de pierre jusqu'à l'ère pétrolière. Or, je ne disposais que de 10 semaines pour reconstituer cette longue tranche de passé. Dans le temps qui leur est imparti, les britanniques ouvrent néanmoins huit chantiers de fouilles et conduisent trois enquêtes régionales. Parmi leurs découvertes les plus importantes, il y a des fragments de poteries Obeïd, datant du 5ème millénaire. Les poteries ont été exhumées à Al-Da'asa, sur la côte ouest du Qatar, avec une collection d'outils en pierre et en corail. Le fait qu'ils soient soigneusement dissimulés indiquent que leur propriétaire envisageait de les récupérer plus tard. Cette découverte montre que les Qataris entretenaient, depuis bien longtemps, des relations commerciales avec d'autres peuples.
Trois ans après les Anglais, arrivent les premières missions françaises, placées sous la houlette du professeur Jacques Tixier, chercheur au CNRS. L'équipe réalise des fouilles à travers toute la péninsule et exhume des sites datant de différentes périodes historiques. Les Français mettent notamment à jour la plus ancienne maison de pêcheur, située à Al Shagra, au sud du Qatar, et datée de 6000 avant J.C. Ils exhument, par ailleurs, une importante colonie située à 5km des côtes au Nord Ouest du pays. Il s'agit de la ville de Murwab, le premier établissent islamique connu. Parmi les ruines, les chercheurs ont identifié 600 maisons, deux mosquées et deux petits forts du 8ème ou du 9ème siècles.
Durant la saison 1980-81, les archéologues découvrent deux nouveaux sites, sur une petite île de la baie d'Al Khor, au nord de Doha (la capitale). Le premier apporte la preuve qu'une civilisation de commerçants, appelée Dilmun et originaire de Bahreïn, s'est répandue le long de la côte Est du golfe persique, durant l'âge de bronze. Les fragments de coquilles d'huître, trouvées à proximité, ont permis une datation au carbone 14.
L'autre site date de la période Kassite, soit aux alentours de 1400 avant notre ère. Parmi les vestiges de bâtiments en pierre, les archéologues ont trouvé des monticules constitués de milliers de coquilles d'escargots de mer (appelés Thais savignyi) broyées. Ces mollusques fournissent un colorant rouge brillant qui était très prisé des nobles babyloniens. Cet atelier de teinture est actuellement le seul qu'on aît découvert en dehors de la région méditerranéenne. Il est, par ailleurs, antérieur à ceux plus célèbres du Liban.
Les résidents du Qatar, comme les touristes, sont généralement fascinés par les pétroglyphes qui ornent le Jebel, et qu'on trouve par intervalle, depuis Al Wakra (à l'est du sommet de la péninsule, qui ne dépasse guère 90 mètres) jusqu'à Al Fraiha (au Nord-Ouest). On y trouve essentiellement des représentations de bateaux, dont certains sont caractéristiques du Néolithique. Le site le plus fameux, Jebel al Jassasiya, est étudié par Hans Kapel (le fils de Holger Kapel) dès 1974.
La première équipe de chercheurs japonais est arrivée à la fin des années 80, mais les fouilles n'ont commencées qu'en 1990. Les archéologues de l''université Rikkyō (à Tōkyō) se sont intéressés aux tertres funéraires d'Umm al-Mar, au Nord-Ouest de la côte, et datés de l'Age de Fer. Ils ont été suivis par les Allemands, qui ont envoyés une équipe de l'Université de Munich et poursuivis les fouilles.
Plusieurs chantiers ont été ouverts à l'initiative du Département des Antiquités du Qatar, depuis 2005. Parmi les plus prometteurs, on peut citer le site d'Al Zubara, une cité de commerçants et pêcheurs dont l'apogée se situe entre les 17ème et le 20ème siècles. Les résultats de la dernière saison de fouilles sont parus dans Current World Archeology. Un compte-rendu illustré est également publié dans la Newsletter (Numéro de Mai 2010) du QNHG (Qatar Natural History Group).
Source : The Discovery of Qatar's Past par Frances Gillespie
Images: Heritage of Qatar.