Nous avons tendance à penser que la voiture électrique est une invention contemporaine répondant à une préoccupation plus forte de protéger l'environnement. Notre curiosité du jour prouve qu'il n'en ai rien. Il s'agit de l'Electrobat, une automobile électrique mise au point en 1894 par deux américains originaires de Philadelphie en Pennsylvannie, l' ingénieur Henry G. Morris et le chimiste Pedro G. Salom.
Comme toujours dans ces cas là, plusieurs expériences se développent en parallèle et il est difficile de déterminer qui a eu l'idée en premier. Il semblerait néanmoins qu'entre 1832 et 1839, l'inventeur écossais Robert Anderson mette au point une sorte de carriole électrique rudimentaire, fonctionnant grâce à huit électro-aimants alimentés par des piles non-rechargeables. A la même période, Groningue aux Pays-Bas, le professeur Sibrandus Stratingh (1785-1841) et son assistant Christopher Becker s'intéressent à électromagnétisme et développent un petit engin, considéré comme précurseur. L'Américain Thomas Davenport (1802-1851), quant à lui, conçoit le premier moteur électrique utilisable industriellement en 1834 et le fait breveté en 1837. Par ailleurs, le physicien français Gaston Planté (1834-1889) créé la batterie rechargeable au plomb en 1865. Ce système de stockage d'électricité sera largement utilisé dans l'industrie et deviendra un élément essentiel dans l'évolution des voitures électriques. Son compatriote, le chimiste Camille Faure (1840-1898) améliore en effet le design de la batterie et en augmente la capacité.
La voiture électrique de Thomas Parker, 1884
En 1881, Camille Faure, en collaboration avec Charles Jeantaud (qui donne plus tard son nom à une marque d'automobiles électriques dont le modèle le plus célèbre sera la Duc), Nicolas Raffard et Gustave Trouvé (1839–1902) fabriquent un véhicule qu'ils présentent à l'Exposition internationale d'Électricité de Paris en 1881. Trois ans plus tard, l'ingénieur Britannique Thomas Parker, déjà à l'origine de l’électrification du métro aérien et du de la ligne de tramway aérien entre Liverpool et Birmingham met au point une voiture électrique dont l'existence tombe ensuite dans l'oubli.
La Jamais Contente de Camille Jenatzy, 1899
En Belgique, Camille Jenatzy (1868-1913) s’intéresse à la traction électrique pour les automobiles dès la fin de ses études. Il se rend à Paris où il entreprend de construire des fiacres électriques et en 1899 nait un petit bolide en forme d'obus qu'il nomme La Jamais contente. Les batteries représentent la moitié du poids du véhicule, soit 750kg. Avec cet engin, l'ingénieur belge dépasse néanmoins les 100 km/h pour la première fois.
La voiture électrique de William Morrison, 1890
C'est à partir des années 1890 que les Américains commencent à entrevoir réellement le potentiel des véhicules électriques. Un tricycle (ancêtre de l'automobile) électrique est mis au point par A. L. Ryker, tandis que William Morrison invente un véhicule pouvant transporter jusqu'à six passagers. Il fonde une société, la Shaver Carriage Company, qui construit une douzaine de prototypes au total. Le modèle de 1890 utilise 24 batteries, de 14 kg chacune et dans la puissance va de 112 ampères à 58 volts. Il faut compter 10 heures pour les recharger. La vitesse moyenne du véhicule est de 10 à 20 km heure. Son autonomie atteint de 160 km au maximum. Aux États-Unis, les innovations se succèdent jusque dans les années 1900.
Electrobat, 1894
En 1897, la voiture électrique application commerciale, grâce à la naissance de l'Electrobat, trois ans plus tôt. Ces voitures, pilotées grâce aux roues arrières, ont une puissance de 1,5 chevaux (1.1 kW) qui propulsent le moteur à une vitesse de 30 à 40 km/h. La seconde version de l'Electrobat est allégée et pèse un peu plus de 800 kg. Le conducteur, assis à l'avant du véhicule, actionne un bâton central pour diriger l'automobile. C'est ce prototype, l'Electrobat2, qui fait entrer Henry G. Morris et Pedro G. Salom dans l'histoire. Les deux ingénieurs fondent une société, la Morris & Salom Electric Carriage and Wagon Company, et proposent un service de taxis qui circulent à New-York. En avril 1897, après un mois de service, les deux inventeurs peuvent se targuer d'avoir transporté un millier de passagers à Manhattan et parcourus plus de 3 000 km à travers la ville. Leur flotte compte alors 13 véhicules. Ils revendent leur concept à Isaac Leopold Rice (1850-1915), le fondateur de la Electric Vehicle Company (EVC).
Electrobat IV, 1895
En avril 1899, le politicien et financier New-yorkais, William Collins Whitney (1841-1904) quitte son domicile de la 5ème Avenue avec la ferme intention de créer une compagnie nationale de véhicules électriques. Il s'adresse à Albert Augustus Pope (1843-1909), le fabricant leader de bicyclettes aux États-Unis et convainc des hommes d'affaires comme Peter Arrell Brown Widener (1834-1915) qu'il faut placer son argent dans ces nouveaux types de calèches propres et silencieuses que sont les véhicules électriques. Les investisseurs rachètent l'Electric Vehicle Company de Rice, formant ce qu'on appelle le Lead Cab Trust (le Trust des taxis). Leur ambition est de quadriller les grandes villes américaines, voire de s'exporter au Mexique et en France. Leur projet s'appuie sur le développement des centrales électriques, dont l'exploitation est alors dominées par l'Edison General Electric Company (fondée par Thomas Edison) et la New York Heat, Light, and Power, contrôlée par Whitney et ses amis.
Electrobat, 1898
Au départ, la nouvelle filiale du conglomérat (qui garde le nom d'Electric Vehicle Company) semble promettre un avenir florissant. La station de New-York obtient un bon rendement et de nouveaux bureaux s'ouvrent successivement à Boston, New Jersey, Chicago et Newport. Cependant, au bout d'une année d'activité, les problèmes s'accumulent. Le bureau new-yorkais reste rentable mais les autres stations font les frais d'une mauvaise gestion. Par ailleurs, les pilotes sont mal formés, les batteries se sont pas bien utilisées et la concurrence des voitures à essence se fait sentir. Les filiales régionales ferment leurs portent en 1901, dans un contexte de scandale.
Broadway, 1905. A gauche, un bus électrique; à droite, un taxi électrique
En 1899, en effet, l'inventeur George B. Selden (1846-1922) cède son brevet automobile à William Collins Whitney qui en touche les royalties versées par les fabricants de moteurs à combustion interne. L'exploitation du brevet s' avère lucrative puisqu'EVC, touche $15 par voiture avec un versement annuel minimum de $5 000. Or, Henry Ford, propriétaire de la Ford Motor Company, fondée à Detroit en 1903, ainsi que quatre autres fabricants d'automobiles décident de contester les poursuites en contrefaçons inhérentes au brevet Selden and EVC. Le procès, largement couvert par la presse, s’éternise pendant plus de huit ans et les frais judiciaires conduisent l'Electric Vehicle Company à la faillite. La société ferme ses portes en 1907, tandis que l'exploitation du brevet est annulé en 1911.