Britanniques, française, allemande, indienne, américaine, imaginaires... ajoutons aujourd'hui une nouvelle origine à nos pirates: hollandaise. Cornelis Corneliszoon Jol est amiral de la république hollandaise, corsaire et, en ces temps troublés de la première partie du XVIIème siècle, certainement pirate et flibustier.
Cornelis Jol est né en 1597 dans une famille de pêcheur de Schevening (maintenant La Hague aux Pays Bas). On ne sait pas grand chose de son enfance. Il apparaît clairement dans les registres, en 1626, quand il rejoint la Compagnie Hollandaise des Indes Occidentales.
Ici, marquons un arrêt dans la vie de Jol pour tenter de décrire la situation de l'Europe autour de 1600. 1556 : Philippe II succède à son père Charles V sur la trône d'Espagne. La Hollande, est une riche région commerçante. Elle a souvent attiré la convoitise de ses voisins (encore ces maudits Français) et fait partie du royaume d'Espagne. La succession se passe mal. Philippe a été élevé en Espagne et ne parle ni hollandais, ni français. Il tente de mettre en place une politique forte et centralisée en Hollande. Son objectif semble surtout de soutirer de l'argent aux riches marchands des Flandres pour financer ses guerres. Tout cela est beaucoup pour un petit territoire comme la Hollande, habitué à une certaine indépendance de ses villes et une grande liberté d'action. Impôts, limitation des libertés, oppression contre les protestants (la Hollande est protestante, l'Espagne catholique). C'en est trop! La partie nord de la Hollande se révolte et tente de devenir indépendante.
La République des Netherlands voit le jour. L'Europe s'enflamme pour un conflit de 80 ans.
Cette guerre a de multiples motivations mais l'une d'entre elles étaient de diminuer le pouvoir de l'Espagne, grande puissance (tant européenne que coloniale). Le conflit porte les combats, non seulement sur le sol européen, mais aussi en mer dans la Manche, l'Atlantique et jusque dans les colonies des Caraïbes et de d'Asie. C'est une guerre militaire mais aussi une guerre économique.
Mais revenons à notre pirate. Cornelis Jol entre donc au service de la Compagnie Hollandaise des Indes Occidentales. Cette compagnie est bien plus qu'une société de commerçants. C'est l'un des piliers de la République de Netherland et, à ce titre, elle colonisera en son nom des territoires. En 1626, la guerre est totale entre les républicains hollandais et les Espagnols. Les combats ont lieu dans la Manche mais aussi au Caraïbes, où les marins sont encouragés à piller les navires espagnols. Cornelis Jol se fait vite une réputation et, rapidement, il devient Amiral de la compagnie des Indes Occidentales. Grand navigateur, il attaque Espagnols et Portugais des côtes du Brésil aux Caraïbes. Flibustiers quand l'occasion se présente, il capture même l'ile de Fernando de Noronha avant de se la faire reprendre par des troupes portugaises.
En 1633, il attaque Campèche dans la péninsule du Yucatan au Mexique avec une flotte de dix navires (parmi lesquels un est commandé par Diego le mulâtre, un des rares noirs de l'histoire de la flibuste). En 1635, on le retrouve dans la Manche. Mais cette fois, ce n'est pas à son avantage. Il est capturé par des corsaires dunkerquois. Dunkerque fait alors parti de la Hollande, mais la Hollande du sud qui est restée fidèle (contraint?) aux Espagnols. Il y a, à l'époque, un conflit ouvert, sous la forme d'une guerre de blocus, entre les corsaires dunkerquois et la marine de la République de Netherland. Cornelis Jol est finalement libéré. Malgré les ordres donnés aux Dunkerquois de jeter par dessus bord tous les marins républicains capturés, les corsaires refusent d'appliquer ces directives. Ils capturent volontiers les navires hollandais, mais généralement relâchent les équipages sains et saufs (après tout, des familles sont séparés dans les deux camps).
En 1638, Jol est de retour dans les caraïbes où il remporte une bataille navale contre les Espagnols à Cabanas (Cuba). Durant le combat, il capture cinq vaisseaux ennemis. Ensuite, il engage une bataille contre l'amiral espagnol Don Carlos Ibarra. L'affrontement se termienra par la mort de Jol, si on en croit les rapports espagnols.
Cependant, on le retrouve à la bataille de Downs, dans la Manche en 1639. Durant la bataille, il commande une escadre de sept navires. Cet affrontement finira par une victoire de la marine de la république hollandaise. Elle marque un tournant pour l'Espagne qui y perd de nombreux navires. Déjà affaibli par l'activité des corsaires et pirates français et hollandais, l'Espagne perd dans cette bataille sa suprématie sur les mers. Sur terre, elle a déjà perdu ses voies de communication avec les Hollandes. Après la bataille de Downs, ce sont les communications maritimes qui sont sérieusement compromises. La présence espagnole au nord de l'Europe est sévèrement menacée.
1640 : Jol est près de Cuba. Il guette le passage de l'Armada espagnole et de sa cargaison d'or. Hélas pour lui, c'est un ouragan qui l'attend. Il perd quatre navires dans le désastre. Finalement, il décide de partir sur les côtes africaines. Il prend possession de la ville de Luanda en Angola ainsi que de l'île portugaise de Sao Tomé. Le 31 Octobre de 1641, Cornelis Jol meurt, frappé par la malaria, sur cette même ile.
Ainsi fini, Cornelius Jol, marin, soldat, milicien, corsaire, flibustier et grand voyageur (neuf traversées de l'Atlantique). Plus corsaire qu'amiral, il a amassé des fortunes de ses divers entreprises. Les Espagnols le surnomment même El Pirata. Cornelius Jol est peu connu. Cependant, il a laissé une trace importante dans l'imaginaire associé à la piraterie. Il apparaît comme un des premiers marins (pirates) à porter une jambe de bois. A l'époque on le surnomme même, Houtebeen (jambe de bois).