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Unité 731, ces fantômes qui hantent le Japon

Plus de 60 ans après la seconde guerre mondiale, la simple évocation de l'Unité 731 génère au Japon des réactions de peur, de révulsion ou de dénie. Officiellement, il s'agissait d'une unité militaire de recherche bactériologique de l'Armée Impériale Japonaise, stationnée dans le Mandchourie à partir de 1931. En réalité, à l'instar de Josef Mengele à Auschwitz, l'Unité 731 a mené des expériences sur des cobayes humains. Plusieurs milliers de prisonniers russes, américains, chinois, coréens et mongoliens ont ainsi été torturés à des fins prétendument scientifiques.

Dans un article du 15 février dernier, le Telegraph a annoncé que les autorités japonaises ont décidé de la réouverture de l'enquête sur les crimes de guerre de l'Unité 731. Une ancienne infirmière, Toyo Ishii, serait à l'origine de l'initiative. En août 1945, soit quelques semaines après la reddition du Japon, la jeune femme et ses collègues ont reçu l'ordre d'enterrer les cadavres avant l'arrivée des Alliés. Lors de son audition, Toyo Ishii a déclaré que l'hôpital comptait trois morgues. Les corps y étaient conservés dans du formol en prévision de leur dissection. Les fosses communes qu'elle a mentionnées feront bientôt l'objet de fouilles.
Un charnier a déjà été découvert, en 1989, sur le site d'un complexe d'appartements dans le district de Shinjuku à Tōkyō. Les autopsies des victimes ont montré qu'il s'agissait essentiellement d'étrangers, sans doute des prisonniers de guerre. Les squelettes présentaient des marques évidentes de scie et de forages crâniens. La controverse étant trop vive à l'époque, il a été décidé de stocker les ossements dans un lieu sécurisé.
Le ministère de la santé a rejeté, à plusieurs reprises, les demandes des familles chinoises qui pensaient que leurs proches avaient été les victimes de l'Unité 731 et qui réclamaient des tests ADN.
Aujourd'hui encore, l'extrême droite japonaise refuse de reconnaître que l'Unité 731 était autre chose qu'une section d'assainissement opérant derrière les lignes de front. Ses activités ne sont pas non plus mentionnées dans les manuels scolaires. De même, de nombreux scientifiques impliqués dans les atrocités perpétuées par l'Unité 731 n'ont jamais été inquiétés. Une bonne partie ont poursuivis de longues carrières dans les milieux médicaux et universitaires, voire dans la politique ou les affaires. Selon Tsuyoshi Amemiya, un spécialiste de l'histoire militaire, la plupart des gens préfèrent oublier tout ce qui s'est passé pendant la guerre. Les jeunes générations, ajoute-t-il, ne savent pas ou ne veulent pas savoir.

Selon Taketoshi Yamamoto, professeur d'histoire à l'Université de Waseda à Tōkyō, les forces d'occupation américaines auraient accordé l'immunité aux membres de l'Unité 731 en échange des résultats de leurs expériences. Il s'appuie sur un document d'archive, daté du 15 février 1946, et adressé au CCD (Civil Censorship Department ou Département de la Censure Civile) au quartier général des Forces Alliés. Ce document commande au CDD d'occulter toute mention des courriers envoyés à 12 personnes dont Shiro Ishii (le commandant de l'Unité 731), Ryoichi Naito (bras droit du premier et fondateur d'une société pharmaceutique) et Kanji Ishihara (lieutenant général de l'Armée Impériale). Le document cite 9 autres personnes soupçonnées d'avoir collaboré avec l'Unité 731. Sur un coin du papier, on peut encore lire un message indiquant qu'il doit être détruit.
L'existence de l'Unité 731 a finalement été révélée en 1981, suite à la publication d'un rapport scientifique puis d'un ouvrage de Seichi Morimura, intitulé Akuma no hosyoku (La goinfrerie du Diable). En 2002, un tribunal japonais a officiellement reconnu l'existence de cette unité, mais pas la réelle nature de ses activités.
En 2005, Jin Chengmin, un historien chinois, a exhumé plusieurs documents militaires japonais des archives de son pays. Les agents de l'Unité 731 tenaient en effet des registres détaillés où étaient indiqués les noms, ages et dates de naissance des futurs déportés. Il a ainsi pu identifier avec certitude plus de 300 victimes sur les 1400 individus transférés par la police militaire de l'armée Guandong (à laquelle l’unité 731 fut incorporée par décret impérial en 1936). Il s'agissait essentiellement d'espions, de résistants et de militants communistes, tous qualifiés de combattants anti-japonais et répondant aux critères énoncés dans l'ordre de transfer n°58, en date du 26 janvier 1938. Certains étaient originaires de Corée, de Mongolie ou d'Union Soviétique.
Ces quatre dernières années, enfin, d'anciens médecins militaires japonais ont reconnu avoir procédé à des amputations et des vivisections sur des prisonniers alors qu'ils étaient en poste aux Philippines et en Chine, entre 1942 et 1945.

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