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Le théâtrophone ou l'iPhone du 19ème siècle

On a tendance à croire qu'avec le téléphone portable, on a inventé un nouveau moyen de communication permettant de se tenir informé de l'actualité, de partager des informations ou de télécharger de la musique. En réalité, le concept est loin d'être aussi récent qu'on l'imagine. En effet, dans les années 1880, lorsque le téléphone est arrivé dans les foyers, on proposait déjà aux abonnés un éventail de services qui comprenait la diffusion d'opéras en direct, de spectacles de théâtre et de séquences d'actualité.

La France, la Grande-Bretagne, la Hongrie et les États-Unis ont été les premiers pays à utiliser le téléphone comme média de radiodiffusion. A Londres, ces services étaient proposés par Electrophone, une société fondée à la fin des années 1890. La compagnie utilisait le réseau téléphonique national pour diffuser des émissions de divertissement ou consacrées à la religion. Des services similaires étaient disponibles à Birmingham et à Bournemouth. Electrophone était situé à Pelican House dans Gerrard Street au cœur du quartier de Soho et à proximité des théâtres. Il s'agissait d'un emplacement stratégique puisque la fin du 19ème siècle et le début du 20ème siècle marquèrent l'âge d'or de la comédie musicale à Londres. Electrophone avait d'ailleurs signé des accords de partenariat avec la Royal Opera House, ainsi qu'avec plusieurs théâtres, et relayait la diffusion audio des spectacles. La société retransmettait également en direct les prêches des principales Églises. En revanche, une tentative pour diffuser les débats au sein de la chambre des Communes n'aboutit à rien.

L'utilisation de ces différents services était simple. L'abonné décrochait son combiné et demandait à l'opérateur de le connecter avec Electrophone. Ensuite, il indiquait quel programme il souhaitait suivre. Il existait de types de règlement. Si l'auditeur possédait un téléphone à la maison, il pouvait souscrire un abonnement. En revanche, s'il utilisait un appareil public, il devait glisser de la monnaie dans un appareil dédié à cet effet. Selon l'historien spécialiste des communications, Neil Johannesen, les tarifs étaient élevés, soit environ £5 (5 ou 6 euros) l'année. Les extras étaient facturés £1. C'était beaucoup d'argent pour l'époque, sachant qu'un appareil téléphonique devait représenter un investissement de £20 par an au total, l'équivalent du salaire d'un domestique.
Dans les théâtres, étaient installés des microphones aux endroits stratégiques, si bien qu'on entendait parfaitement les acteurs quelque soit leur position sur la scène. Dans les églises, des micros ont même été dissimulés dans des boîtiers ressemblant à des bibles. En 1908, Electrophone comptait 600 abonnés et transmettait des émissions depuis 30 lieux différents (théâtres et églises confondus).

Dès 1881, soit cinq ans après qu'Alexander Graham Bell ait inventé le téléphone, le public de l'Exposition internationale d'Électricité (qui se tenait au Palais de l'Industrie sur les Champs-Élysées.) pouvait suivre les spectacles de l'opéra de Paris, grâce à deux écouteurs. Ce système de théatrophone, qui a été mis au point par Clément Ader (à qui on doit aussi l'installation du premier réseau téléphonique parisien en 1880), préfigure celui de la stéréophonie. L'expérience rencontra un grand succès et des émissions furent diffusées depuis l'Opéra-Comique ou le Théâtre-Français. Des auditions théâtrophoniques furent également organisées par le Musée Grévin, via le café-concert de l'Eldorado. La première société commerciale parisienne, la Compagnie du théâtrophone, proposait d’écouter les œuvres via deux écouteurs téléphoniques pour 50 centimes. L'audition durait 10 minutes mais on pouvait la prolonger en rajoutant des pièces. Le Portugal, la Belgique, et la Suède adoptèrent également ce système. En France, le théâtrophone a perduré jusqu'en 1932, avec 300 abonnés environ.

L'innovation la plus spectaculaire venait néanmoins de Budapest, où la Telefon Hirmondo proposait le plus large choix de services à ses usagers. La société fonctionnait comme une véritable radio, diffusant des programmes quotidiens, ainsi que des flash d'actualités minute. C'est justement l'arrivée de la radio, dans les années 20, qui a sonné le glas de la société britannique, Electrophone. La première station de la BBC a été ouverte à Londres en 1922. La compagnie payait alors chèrement la location de lignes téléphoniques, que la National Telephone Company avait revendu à La Poste. Confronté à un fort déclin de son audience, Electrophone a finalement déposé le bilan le 30 juin 1925, après 30 ans d'existence.


Sources: BBC et André Lange

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