Alors qu'une chancelière allemande est invitée dans la politique française, Otto von Bismark revient sur le devant la scène. « Fondateur » de l'unité allemande, grâce à sa victoire sur l'Empire Français de Napoléon III en 1871, von Bismark fut une des figures marquantes de l'histoire de l'Europe de la fin de 19ème siècle. A la même époque, Thomas Alva Edison met au point une de ses grandes inventions: le phonographe.
1877, Edison achève son amélioration du phonautographe (un enregistreur de son sur papier) du français Edouard-Léon Scott de Martinville. D'abord gravés sur des cylindres de cire, le phonographe utilisera par la suite des cylindres d'acier recouverts d'étain. Ensuite arrivera le disques vinyl... Mais dès le début Edison est persuadé de l'intérêt que son invention pourra susciter auprès des scientifiques et du grand public. Ainsi, en 1889, il délègue à un de ses collaborateurs, Adelbert Theodor Edward Wangemann, le soin de faire une présentation de son invention en Europe.
Wangemann arrive en Europe en Juin 1889 pour une visite supposée durer quelques semaines. La visite commence par une présentation de l'appareil à l’exposition universelle de Paris. En plus des démonstrations, Wangemann doit former sur place quelques techniciens qui représenteront la marque en Europe.
Devant l'intérêt du public pour le phonographe, le séjour de Wangemann est prolongé par Edison. Il repond ainsi à la demande d'un de ses amis de découvrir le phonographe: Werner von Siemens. Wangemann reçoit de nouveaux cylindres vierges et a pour mission de réaliser des enregistrements et de faire des démonstrations devant des scientifiques, des investisseurs et devant un public « payant ». Parmi les enregistrements parisiens, on retrouve: les pianistes Edouard Risler et Marie Roger-Miclos, le chanteur Paulus (Jean-Paul Habans), l'organiste Charles-Marie Wido, les soeurs Tacianu... En septembre 1889, Wangemann est en Allemagne où il réalise une première démonstration au cours de laquelle il enregistre des membres de la fanfare des Gardes-Grenadiers du régiment Kaiser Franz. Un peu plus tard en Octobre, il rencontre le chancelier Otto von Bismark qui accepte de faire un enregistrement (poussé par sa femme).
Wangemann retourne aux USA avec 21 cylindres gravés. Après une présentation à Edison, il conserve lui-même les fragiles cylindres de cire jusqu'en 1906, où ils sont définitivement placés au Laboratoire d'Edison (maintenant un parc historique national). Ils ne seront retrouvés qu'en 1957 dans une boîte. Sans mesure particulière de conservation, les cylindres sont détériorés, certains brisés. Sans aucune annotation particulière, il est alors impossible d'identifier les rouleaux.
En Mars 2010, le Thomas Edison National Historical Park commence un projet de conservation et de digitalisation des rouleaux de cires. En 2011, les 17 cyclindres sont digitalisés et leur contenu analyser pas des historiens pour en retrouver les interprètes. Ces morceaux sont maintenant écoutables sur le site du Thomas Edison National Historical Park.
On y découvre un œuvre de Chopin et les seuls enregistrements de la voix de von Bismark récitant quelques vers et, chose plus étonnante, déclamant les premières paroles de la Marseillaise... Une boutade du chancelier? Ceci restera un mystère !
Image: Edison et son phonographe à cylindre en 1878. Bibliothèque du Congrès