Le docteur Andrew Petersen, qui dirige équipe d'archéologue de l'Université du Pays de Galles, vient d'achever sa deuxième saison de fouilles au Qatar. Le 8 mai dernier, lors d'une conférence organisée par le QNHG (Qatar Natural History Group) il a intrigué son auditoire en énumérant une série de découvertes énigmatiques sur le petit site de Rubaqa, près de la vieille ville d'Al Zubara, au Nord-Ouest du pays.
Première remarque: les habitants de Rubaqa n'étaient pas ni pêcheurs ni marchands d'huîtres perlières comme tant d'autres Qataris avant la découverte de l'or noir. S'ils ne vivaient d'aucun de ces métiers, il reste à savoir pourquoi ces gens se sont installés sur la côte.
Un premier indice est lié à la découverte de plusieurs presses à dattes (15 au total). Les presses à dattes ("madbassa" en arabe) sont communes au Qatar et on en trouve dans pratiquement toutes les colonies islamiques, y compris à Murwab, un important village Abbasside situé non loin de Rubaqa et datant du 9ème siècle. Concrètement les presses sont constituées d'une surface rectangulaire profondément rainurée. On y entasse les sacs de dates et le poids des fruits compressés permet d'en extrait un sirop qui s'écoule dans les canaux parallèles. Un récipient posé au sol, permet de collecter le nectar obtenu. Le site de Rubaqa est néanmoins très intrigant puisqu'aucune presse n'est identique à une autre. Certaines sont recouvertes d'un plâtre blanc très fin, d'autres sont pourvues de deux trous pour l'écoulement du précieux sirop. La structure est équipée d'un véritable labyrinthe de canaux dont les archéologues ignorent la finalité. On peut imaginer qu'une partie des presses est de fabrication étrangère ou que chaque famille construisait la sienne selon une technique qui lui était propre.
Un deuxième élément de réponse gît au fond des eaux et sur une jetée proche du village. La présence d'un embarcadère et la profondeur des eaux suggère que des bateaux pouvaient accoster près du village et que ces habitants vivaient du commerce issu de la production du sirop de datte. Cependant les chercheurs n'ont trouvé aucune trace de plantation de dattiers au Qatar.
La première mention écrite de Rubaqa remonte à 1760 mais les chercheurs ont trouvé des poteries du 16ème siècle, importées de Julfar, un port situé au nord de la ville de Ra's al-Khaimah, aux Émirats Arabes Unis. En effet, l'analyse des tertres au carbone 14 a montré la présence de détritus composé d'os d'animaux et de fragments de poteries. Ils témoignent d'une longue occupation du site de Rubaqa. Par ailleurs l'étude des tessons indiquent que ses habitants pratiquaient des échanges commerciaux avec plusieurs pays. Outre les articles en provenance de Julfar, les archéologues ont trouvé des poteries originaires de Chine, de Birmanie, d'Iran et d'Irak. On sait aussi, grâce aux fragments de céramiques issus de pipes à eau, qu'ils fumaient le Narguilé et importaient donc du tabac.
Cette année, l'équipe de fouille a exhumé deux types de bâtiments : une première zone, constituée d'habitations et, une seconde, qui accueillait une large structure. Les archéologues pensent qu'il pourrait s'agir d'un ancien fort. Ce bâtiment, plus ancien que les autres, a été détruit mais ses fondations restent solides. On pense qu'une partie des matériaux a été déplacé et recyclé pour la construction d'autres structures. Dans les décombres du fort, les chercheurs ont trouvé un large boulet de canon encastré dans le mur. On sait, par ailleurs, que cette partie de la côte a été la cible de nombreuses attaques de pirates ou de conquérants étrangers, aux 18ème et 19ème siècles.
Les archéologues ont également exhumé un sac de coton contenant des roupies indiennes en argent. Ce trésor était dissimulé dans une cache, enchâssée dans un des murs de la mosquée. Les pièces, qui sont ornées de la tête de la reine victoria, sur l'une des faces, ont pu être datées de 1860-1880. D'autres pièces de monnaies ont été découverte sur le site. Certaines, datant du 19ème siècle, sont d'origine ottomanes; d'autres viennent d'Iran. Les archéologues ont enfin exhumés les premières pièces qataries qui datent des années 30.
Parmi les ruines de la Mosquée, l'équipe a mis à jour un fragment de plâtre sur lequel on distingue une inscription constituée d'extraits du Coran. La roche présente de nombreuse trace de trous qui servaient sans doute à l'insertion de poteaux pour soutenir la structure du bâtiment. Ces incisions ont, de toute évidence, nécessité un travail laborieux. Pour l'instant, les archéologues ne connaissent ni leur date de fabrication ni leur finalité exacte.
La poursuite des fouilles devrait apporter des réponses à ses questions mais, en attendant la prochaine campagne, Rubaqa conserve une bonne partie de ses mystères.
Source: Gulf Times