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Femmes samouraïs, l'art de la guerre en kimonos

Gladiatrices romaines, duellistes en jupons ou combattantes en kimonos, l'histoire a des trous de mémoire qu'il ait difficile de combler. Le mot samouraï, qui vient du verbe "saburau" (servir en japonais) désigne les membres de la noblesse militaire qui se partageaient le pouvoir durant la période féodale (XIIe-XVIe siècles) et que l'on nomme également Buke. Aussi, littéralement parlant, les femmes samouraïs n'ont jamais existé. On sait néanmoins que les épouses des seigneurs de guerre défendaient farouchement leurs maisonnées contre l'ennemi lorsque ces messieurs étaient partis en campagne. Par ailleurs, les exploits de quelques guerrières professionnelles ont été immortalisés dans les légendes, les pièces de théâtre et les poèmes anciens.


Les samouraïs ont gouverné le Japon pendant plusieurs centaines d'années. A la fin de l'époque de Heian (794-1185) s'opère une nette scission entre la très raffinée aristocratie impériale (kuge) et la classe des guerriers (bushi). Ces chevaliers en armures, dont l'arme principale était le yumi (arc), sont engagés par de riches propriétaires terriens pour protéger leurs possessions. La classe guerrière gagne ainsi progressivement un grand pouvoir qui atteint son apogée lors de la rébellion de Hōgen en 1156, et surtout de celle de Heiji en 1160. Taira no Kiyomori (1118-1181) est nommé Daijō-daijin (Premier ministre) en 1167 et forme le premier gouvernement samouraï de l'histoire. A l'issue de la guerre de la guerre de Genpei (1180-1185), qui oppose les clans Minamoto et les Taira dans la course au trône impérial, Minamoto no Yoritomo établit le shogunat de Kamakura et, par là, la suprématie de la caste militaire. Les samouraïs se maintiennent jusqu'en 1868, année qui inaugure l'ère Meiji et date à laquelle l'ordre des seigneurs de guerre est officiellement abolis.
Le rôle des épouses de samouraïs est cantonné à celui d'éducatrice. Elles doivent s'assurer que les jeunes garçons assimilent et respectent le code du samouraï, un ensemble de règles non écrites dont les valeurs (la loyauté, le courage, la vérité et l'honneur) sont plus précieuses que la vie elle-même. Leurs maris étant absents durant de longues périodes, les femmes contrôlent toute la vie domestique, depuis les finances jusqu'au personnel.


A partir de 1467, le Japon entre dans une période chaotique, l'époque Sengoku (littéralement âge des provinces en guerre), qui commence la guerre d'Ōnin pour finir avec la destitution du dernier shogun Ashikaga en 1573. Les samouraïs sont très sollicités Néanmoins, les femmes sont loin d'être désarmées puisqu'elles sont elle-même entraînées aux arts martiaux pour palier le manque de combattants masculins et, surtout, être en mesure de contrer une attaque directe envers elle-même ou leurs enfants. Les Onna-bugeishas, ainsi qu'on les nomme, sont familiarisées dès leur plus jeune age au maniement des armes cachées (kakushi): la naginata (sorte de hallebarde à lame courbe), le Kaiken (petit sabre) et le tantō (dague légèrement courbe). Elles portent les lames dans leurs obis ou dans les manches de leurs kimonos, tandis que la naginata est suspendue près de l'entrée de la maison. Les femmes apprennent également comment transpercer la gorge d'un assaillant à l'aide de Kanzashis, les piques et broches qui ornent leur coiffure. Le Kaiken, dernier rempart de l'auto-défense, est aussi l'arme du Jigai (suicide) puisque l'épouse d'un Buke doit défendre son honneur plus que sa vie. Le seppuku est réservé aux hommes pour épargner aux femmes le risque d'une mort ignominieuse où le visage serait déformé dans l'agonie de l'éventration. Elles doivent d'abord se lier les pieds, afin de garder une position décente, puis se trancher la carotide.
Bien que les épouses de samouraïs se battent vaillamment pour défendre leurs familles, les chroniques de guerre des périodes Heian (794-1185), Kamakura (1185-1333) et Muromachi (1336-1573) rapportent essentiellement les hauts faits d'armes des combattants masculins. Les femmes y sont rarement mentionnées, sauf dans des récits de massacres ou de raids où elles font partie du butin.


Les combattantes professionnelles, désignées sous le terme Onna-musha (en opposition aux Onna-bugeishas), ne sont citées que dans les légendes populaires. La première d'entre elles est l'impératrice Jingū (169-269) dont l'histoire nous est connue grâce à deux recueils de mythes, le Kojiki et le Nihon Shoki. Selon ces textes, elle épouse Chūai (le 14ème empereur du Japon) qui règne entre 192 et 200 et, à sa mort, assure la régence pour le compte de son jeune fils. Jingū mène ensuite une armée à la conquête des Trois Royaumes de Corée. Elle Si la véracité du récit est plus que douteuse, sa valeur emblématique ne doit pas être négligée. Plus tard, le Heike Monogatari ou Dit des Heike (une épopée qui raconte la lutte entre les clans Minamoto et Taira au XIIe siècle) rapporte les exploits d'Itagaki (794-1192) et de Tomoe Gozen (vers 1161-1184).
Itagaki (aussi connue sous le nom d'Hangaku Gozen ou Dame Hangaku), célèbre pour son habilité dans le maniement de l'arc et des flèches, est née dans la province d'Echigo. Elle est la fille d'un guerrier nommé Jō Sukekuni, allié des Taira, l'un des quatre clans qui dominent la politique du Japon durant l'ère Heian. En 1201, lors de la tentative de renversement du Shogunat de Kamakura, elle lève une armée de 3000 hommes et, en dépit de sévères blessures aux jambes, elle se défend vaillamment. En face, les forces loyalistes du clan Hōjō ne comptent pas moins de 10 000 hommes. Selon une première version de l'histoire, Itagaki est capturée et conduite devant le shogun Minamoto no Yoriie. Elle échappe à une mort certaine, grâce à l'intervention du grand archer Asari Yohito qui s'est entiché d'elle. Ils obtiennent l'autorisation de se marier et déménagent à Kai où ils vivent heureux et donnent naissance à une fille. Selon des sources moins complésantes, la courageuse Itagaki serait morte lors du siège du fort de Torisakayama.
Tomoe Gozen (Dame Tomoe) est l'épouse ou la maîtresse du général Kiso Yoshinaka, membre du clan Minamoto contre lequel il entre en rébellion. Cette femme, qui est réputée pour sa beauté, est également une excellente cavalière et une redoutable adversaire dans les combats, qu'il s'agisse du maniement des lames ou des flèches. Elle s'illustre notamment pendant la guerre de Gempei (1180–1185) où elle s'acquitte volontiers des missions les plus périlleuses. Sa fin diffère selon les sources. Selon les unes, Dame Tomoe meurt sur le champ de bataille, aux cotés de son époux ; selon les autres, elle devient nonne.


Au fil des siècles, le statut des femmes évoluent sous l'influence du néo-confucianisme (14ème-20ème siècles) et l'idéal d'intrépide dévouement est progressivement remplacé par celui de l'obéissance passive. Il existe toutefois de nombreux autres exemples de femmes samouraïs mais il serait fastidieux de les énumérés tous en détail. On peut cependant citer quelques noms tels que ceux de Tsuru-hime, littéralement la Princesse Grue, considérée comme la Jeanne d'Arc de la Mer Intérieure et qui aurait vécue au 16ème siècle ; la légendaire Kai-hime (Princesse de la Province de kai) qui se serait illustrée à la même période que la précédente ou encore les orphelines, Miyagino et Shinobu qui, contrairement à la tradition ne sont pas issues de la noblesse, et qui se seraient jointes à la révolte des rōnins (samouraïs sans maître) en 1651.
Les sources sont plus fiables en ce qui concernent le 19ème siècle. On sait notamment, qu'à cette période, dans la région d'Aizu (province de Fukushima), une grande attention est accordé à l'éducation militaire des filles. Ainsi, pendant la guerre civile de Boshin (1868-1869), les femmes ont-elles participé au combat contre les forces impériales. Elles forment deux groupes: les Joshigun, qui combattent aux cotés des hommes à l'extérieur de la forteresse, et les Johei qui tiennent une position défensive dans le château d'Aizuwakamatsu (connu aussi sous le nom de château de Tsuruga). Les premières sont commandées par Nakano Takeko (1847-1868), la fille d'un fonctionnaire qui a bénéficié d'un enseignement poussé des Arts martiaux. En dépit d'un courageux corps à corps, les combattantes sont acculées à se réfugier au sein de la forteresse. Avec l'aide du deuxième corps militaire féminin, elles résistent plus de 30 jours (octobre-novembre 1868) avant de se rendre à l'ennemi. Nakano Takeko, elle, est touchée d'une balle à la poitrine. Ainsi que l'honneur l'exige, elle préfère la mort à la captivité et demande à sa sœur de lui trancher la gorge. Deux autres femmes, qui se sont illustrées au cours de cette fameuse bataille, ont survécu. Il s'agit de Yamamoto Yaeko (1845-1932), qui de part son origine est rompue aux techniques d'artillerie, et de Yamakawa Futaba (1844-1909).

La suite de l'histoire, nous la connaissons bien. La victoire des troupes impériales sur le shogunat Tokugawa conduit à la restauration de Meiji puis l'abolition de l'ordre des samouraïs. En 1869, l'empereur Mutsuhito (1852-1912) s'installe à Edo, qui est alors renommée Tōkyō, c'est-à-dire « capitale de l'Est ». L'ère Meiji (littéralement « gouvernement éclairé ») symbolise une période d'ouverture et de modernisation du Japon. La loyauté due à l'empereur et à l'État remplace celle offerte au daimyo. L'accent est mis sur l'acquisition de connaissances et de compétences, dignes d'un sujet dévoué. A partir de 1910, les Arts martiaux deviennent partie intégrante des programmes scolaires et, dans ce domaine, les femmes ne sont pas les dernières à s'illustrer. Pour ne citer q'un exemple, l’école Toda-ha Buko-ryu (fondée à l'aube de la période d'Edo) est dirigée exclusivement par des femmes depuis la fin du 19ème siècle.

Sources:
Fierce Japanese Females par Lisa Cooke
Images of Samurai Women par Kallie Szczepanski
Samurai Women Warriors par Megan Winkler
Women Warriors of Japan par Ellis Amdur

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