©

Le régicide, un sport d'Ancien Régime

Dans un article paru dans le dernier numéro de la revue scientifique British Journal of Criminology et intitulé Killing King, les criminologues de l'Université de Cambridge livrent les résultats d'une étude statistique portant sur la mort de 1513 monarques dans 45 pays d'Europe, sur une période allant du début du 7ème à la fin du 18ème siècle. Leur enquête révèle que près d'un quart (22%) des têtes couronnées sont décédées dans de violentes circonstances (accidents, batailles ou meurtres), dont 15% de régicides.


Assassinat de Przemysl II de Pologne à Rogoźno en 1296. Tableau de Wojciech Gerson (1831-1901)


Ce bilan de 15% correspond à un taux moyen de 10 meurtres pour 1000 années de vie de monarque. Soit un résultat bien plus élevé que le taux moyen d'homicides, même en période particulièrement troublée, et supérieur également aux pertes moyennes de soldats dans un conflit armé.

Le professeur Manuel Eisner classe ces résultats en quatre grandes catégories ou scénarios. Le principal mobile, qui pousse un sujet à assassiné son souverain, est liée aux guerres de succession, c'est-à-dire lorsqu'un monarque est écarté du pouvoir par l'un de ses rivaux. En 969, par exemple, l'empereur byzantin Nicéphore II Phocas est poignardé dans son lit suite à un complot fomenté par son épouse, Théophano, et son amant, le stratège Jean Tzimiskès. Soutenu par l'armée, ce dernier se proclame empereur le 11 décembre 969. Le jour de son couronnement, le patriarche Polyeucte l'oblige néanmoins à confesser son implication dans l'assassinat de son prédécesseur. Théophano, pour sa part, est exilée au monastère de l’île de Proti.
Parmi les cas de régicides, on distingue ensuite les meurtres perpétués par un souverain voisin, désireux d'agrandir son royaume ou de sceller une victoire militaire. Ainsi, en 1362, Mohammed IV est convié à des pourparlers de paix avec le roi de Castille. Il est assassiné, près de Séville, sur ordre de Pierre Ier.
La troisième cause de régicide est la vengeance personnelle, c'est-à-dire le règlement sanglant de griefs alimentés par la conduite et les malversations du souverain en place (insultes, meurtres, viols, etc). Albert Ier de Habsbourg a été assassiné en 1308, près de son château fort de Windisch, par son cousin, Jean de Souabe, qu'il avait insulté publiquement lors du banquet précédent sa mort.
Le dernier scénario est l'intervention d'un individu extérieur à la cour royale. En 1172, par exemple, Le doge de Venise, Vital II Michele, est poignardé par Marco Casolo, qui se trouvait dans la foule à l'intérieur du monastère de San Zaccaria. De même, en 1354, l'émir Yusuf Ier de Grenade est victime d'un forcené alors qu'il priait dans une mosquée.


Assassinat d’Henri IV et arrestation de Ravaillac le 14 mai 1610, par Charles-Gustave Housez, XIXe s. Musée national du Château de Pau


Selon le professeur Eisner, les jeunes souverains dont la légitimité n'est pas assurée, sont les principales victimes de régicides. Il cite notamment l'exemple du meurtre présumé des princes Édouard et Richard d'Angleterre, qui disparaissent définitivement après leur enfermement dans la tour de Londres. Dans ce cas de figure, il n'est pas rare que le régicide engendre une série de meurtres successifs dont l'enjeu est bien-sûr la prise de pouvoir. Les chercheurs britanniques montrent, par ailleurs, que les régicides sont plus fréquent au Haut Moyen-âge et tentent à diminuer progressivement au cours des siècles suivants. En effet, le meurtre comme outil politique s'est révélé être une stratégie de moins en moins efficace au fil du temps. D'une part, parce que le système législatif a renforcé son emprise sur la répartition et le transfert du pouvoir et, d'autre part, parce que la théorie de droit divin a conféré aux souverains un statut d'intouchable. Déposer un roi devenait un acte sacrilège. Ainsi, à partir du 16ème siècle, le régicide se fait-il rare. L'assassinat d'un monarque nécessite alors une justification légale. Charles Ier d'Angleterre, par exemple, est traduit en justice devant un tribunal composé de députés ; condamné à mort pour trahison, meurtre et tyrannie, avant d’être décapité le 30 janvier 1649.
Néanmoins, la pratique du régicide perdure jusqu'au 20ème siècle. Parmi les plus fameux, on peut mentionner les assassinats de Gustave III De Suède (1792), Alexandre II de Russie (1881), Alexandre Ier de Serbie (1903) ou Charles Ier de Portugal (1908).

Source: Physorg

Références
Lien à insérer

Si vous citez cet article sur un site, un blog, un forum ou autre contenu web, utilisez l'adresse ci-dessous. Après validation par un administrateur, votre site apparaîtra ci-dessous comme référence.

Ils commentent à distance !

Pour l'heure, personne ne commente sur un autre site web.

Suggestion de mots-clefs : regicide ; caligula tableau ; comment disparait le régime des doges a venise ;
Discussions
Pas d'avis pour “Le régicide, un sport d'Ancien Régime”
Participer à la discussion (Via le forum)

Vous devez être identifiés pour poster un avis



Mot de passe oublié