Les anglais souvent disent n'avoir pas connu d'invasion depuis le Normand Guillaume le Conquérant. Pourtant, une récente exposition, Royal River: Power, Pageantry and the Thames (la puissance, le faste et la Tamise) pour le jubilé de diamant de la reine, nous rappelle une autre histoire. Nous sommes en 1654, la première guerre anglo-néerlandaise se termine par une victoire militaire anglaise et la reconnaissance du "Navigation Acts".
L’Angleterre de Cromwell affirme sa domination militaire maritime mais la puissance commerciale est du coté des Hollandais. Si les militaires britanniques gagnent les batailles, les corsaires de l'autre camp ont considérablement affaibli leurs adversaires. La paix signée permet à l'Angleterre d'imposer les règles commerciales sur son territoire et dans ces colonies: les importations doivent être faites, soit par des navires britanniques, soit par des navires du pays de production. Les règles sont dures et propices aux affrontements et à la contrebande. Le conflit entre les deux nations n'est que dissimulé.
1658: Cromwell meurt et, après une période d'agitation Charles II, fils de Charles I (décapité lors de la première révolution anglaise, cf Vingt ans après d'Alexandre Dumas), rentre à Londres pour y être couronné en 1661. Le despotisme puritain de Cromwell s'arrête et fait place à une ère plus joyeuse et optimiste. Les anglais décident alors, par l'entremise de leurs corsaires, de mettre à mal la flotte commerciale hollandaise. Des navires sont capturés, des colonies occupées. Lorsque la Hollande, ou plutôt les Provinces-Unies, décide de résister en 1665, Charles II d'Angleterre leur déclare la guerre.
Une nouvelle guerre maritime pour le contrôle des routes commerciales commence. Si les corsaires anglais sont performants, il n'en est pas de même pour leur marine militaire. Fiers de leur victoire lors de la première guerre anglo-néerlandaise, et de nature tournée vers la mer, l'Angleterre a cependant négligé sa marine au profit de plaisirs retrouvés depuis la chute de Cromwell: théâtre, spectacles laïques... De plus le royaume a été touché par la grande peste de 1665 puis par le grand incendie de Londres en 1666, qui ont terminé de vider les caisses de l'état.
Jeronymus van Diest - Het opbrengen van het Engelse admiraalschip de 'Royal Charles'
En Février 1667, les finances sont au plus bas et Charles II décide de renvoyer les navires de guerre les plus lourds au Port Royal de Catham sur la rivière Midway. Il faut les protéger en attendant de trouver l'argent pour les réarmer. Pour gagner du temps, Charles II entame de tractation de paix avec les Hollandais. Secrètement, il accorde son soutient aux Français pour attaquer par la terre, des Pays-bas Espagnols. Comme quoi France et Angleterre arrivaient à trouver un terrain d'entente...
Johan de Witt, sans doute prévenu des manigances anglaises, décide alors d'attaquer la flotte anglaise dans une grande bataille. Son amiral, Michiel de Ruyter navigue jusqu'à l'embouchure de la Tamise, prend le fort de Sheerness, brise la chaine interdisant l'accès à la rivière Midway. La flotte hollandaise navigue alors en terre anglaise jusque Catham où elle coule la flotte anglaise.
Quinze navires sont détruits et le vaisseau amiral HMS Royal Charles est capturé et ramené en Hollande au port naval de Hellevoetsluis. Le HMS Royal Charles, un trois ponts de 80 canons, fut construit sous le règne de Cromwell et baptisé Naseby. A la restauration, le navire ramena le futur Charles II de Hollande en Angleterre avant d’être baptisé du nom du nouveau souverain. A Hellevoetsluis, le navire servit d'attraction touristique avant de terminer en petits morceaux en 1673. Seule une gravure de la poupe fut conservée comme trophée (étêtée de crête ou panache de Charles II, un destin familial ?) et exposée au Rijksmuseum.
Après 345, cette gravure, ultime morceau du HMS Royal Charles est de retour en Angleterre, prêtée par le National Maritime Museum. Et oui, les Hollandais ont aussi envahit avec succès l'Angleterre.